Le rose pour les petites filles, le bleu pour les petits garçons... Si les clichés sexistes ont parfois la vie dure, un rapport parlementaire propose de mettre en place un site officiel sur lequel les internautes pourraient dénoncer publiquement les vendeurs de jouets dont les pratiques paraissent clairement abusives.
Les sénateurs Chantal Jouanno (UDI) et Roland Courteau (PS) ont présenté ce matin un rapport d’information consacré aux jouets (PDF). Alors que Noël approche à grands pas, les deux élus s’inquiètent des « messages sexistes implicites susceptibles d’être adressés aux enfants », par exemple lorsqu’on leur propose des jeux « pour filles », à l’image des poupées ou de la dinette, et d’autres « pour les garçons », tels que les traditionnelles petites voitures.
Passant au peigne fin ce phénomène, les parlementaires se montrent préoccupés de la différenciation des jouets « pour filles » et « pour garçons », dès les catalogues, sur Internet notamment. La Redoute est en particulier pointée du doigt, le rapport expliquant que pour des raisons manifestes de simplification, le cybercommerçant a décidé de proposer « quatre onglets, classés horizontalement et agrémentés de reproductions de jouets emblématiques » (voir capture ci-dessous).
Le problème est que les jeux et jouets exercent selon Chantal Jouanno et Roland Courteau « une grande influence sur la construction de l'identité de l'enfant et sur ses apprentissages ». La différenciation des genres emporterait ainsi deux principales conséquences. « D'une part, les jouets sont à l'origine d'« injonctions » identitaires qui sont en contradiction avec l'objectif d'égalité entre les sexes. D'autre part, les stéréotypes qui caractérisent les jouets contribuent à limiter le champ de l'orientation professionnelle des filles et à aggraver potentiellement les inégalités professionnelles ».
« Certes, il est difficile d’anticiper les effets des évolutions actuellement à l’œuvre dans le monde des jouets sur les futurs adultes et sur les relations à venir entre hommes et femmes » reconnaissent cependant les auteurs du rapport. Ces derniers estiment néanmoins qu’il est « important » d’attirer l’attention des industriels, des vendeurs et des parents, « sur l’intérêt de proposer aux enfants des jouets et jeux qui ne soient pas porteurs de messages sexistes ».
Interdire les rubriques « filles » et « garçons » des cybercommerçants
Pour atteindre cet objectif, Chantal Jouanno et Roland Courteau ont mis sur la table dix propositions. La première consisterait à mettre en place une « charte de bonne pratique » à destination des fabricants et des grandes enseignes de distribution de jouets, laquelle imposerait notamment de « supprimer des catalogues, magasins et sites Internet la signalétique « garçons » et « filles » pour leur préférer des rubriques par type d'activité ou par âge ».
Pointer publiquement du doigt les mauvais élèves sur Internet
Autre recommandation, « mettre en place un site Internet public sur lequel les parents pourraient échanger sur les pratiques sexistes ou stéréotypées qu'ils rencontrent quand ils se rendent dans des magasins de jouets ». L’idée est claire : permettre à chaque internaute de pointer publiquement du doigt, via un site officiel, toute enseigne qui serait considérée comme une mauvaise élève. On peut d’ailleurs imaginer qu’un tel dispositif pourrait facilement s’étendre aux cybermarchands dont les pratiques ne sont guère plus reluisantes.
Les rapporteurs se sont en fait inspirés du site « macholand.fr », sur lequel il est aujourd’hui possible de dénoncer des actes de sexisme se cachant dans certaines publicités, dans des offres d’emploi, etc. Au-delà de cette mise à l'index, l’objectif est d'inciter les organisations pointées du doigt à évoluer, les internautes s’emparant ensuite du comportement litigieux, notamment via les réseaux sociaux.
Chantal Jouanno et Roland Courteau considèrent que cette mesure pourrait être efficace, les grandes enseignes de jouets étant présentées comme « extrêmement sensibles à leur réputation ». Restera maintenant à voir si ces propositions, validées par la délégation aux droits des femmes, arriveront à franchir les murs du Sénat...