Poussé par un modernisme dont il a seul le secret, le gouvernement avait diffusé fin 2013 un décret aux relents préhistoriques. Il imposait aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) de respecter un délai de 15 minutes entre la réservation préalable et la prise en charge du client. D’abord suspendu, le texte vient d’être définitivement torpillé par le Conseil d’État, sans fleur ni couronne.
Le 1er janvier 2014, un décret signé Manuel Valls, alors à l’Intérieur, obligeait les opérateurs VTC à respecter un délai d’un quart d’heure entre la réservation préalable et la prise en charge par le chauffeur. Belle affaire pour les taxis qui n’avaient pas à subir pareille déconvenue ! Le gouvernement socialiste avait heureusement prévu une exception dorée pour les grosses fortunes clients des VTC. « Ce délai ne s’appliquera pas aux activités liées au tourisme que sont la prise en charge du client à partir d’un hôtel haut de gamme ou à l’occasion d’un salon professionnel » prévenait-il en présentation de ce décret (art.1). En somme, les clients des palaces n’auraient pas eu à subir de ce délai, réservé donc aux sans-dents.
#PourNePasFaireDeConcurrence
La mesure avait été largement moquée sur Twitter. À l’aide d’un hashtag dédié, on pouvait y lire « PourNePasFaireDeConcurrence au courrier postal, le courrier électronique sera remis à J+1 », « #PourNePasFaireDeConcurrence aux journalistes, les blogueurs devraient attendre 15 jours avant de publier une info » ou « #PourNePasFaireDeConcurrence au minitel, les internet mettront 15 min à s'allumer. »
Ce véhicule protectionniste avait cependant été stoppé dans sa course folle. Le Conseil d’État, intervenant en référé, suspendait le décret début février. En attendant l’examen au fond, le juge des textes administratifs avait considéré que « le délai de prise en charge d’un client constitue pour l’activité de VTC un élément décisif d’attractivité commerciale et qu’en introduisant un délai minimal de quinze minutes, le décret créait un risque important de perte de clientèle et constituait ainsi un obstacle sérieux au développement des sociétés requérantes ». Il évoquait alors une atteinte au principe général du droit de la liberté du commerce et de l’industrie.
Un gouvernement en roue libre
Aujourd’hui, la même juridiction vient d’envoyer une dernière pelletée sur ce décret désormais bon pour la casse. Elle l’annule purement et simplement puisqu’ « aucune disposition [légale, NDLR] n’a autorisé le pouvoir réglementaire à fixer des conditions nouvelles restreignant l’activité des VTC en subordonnant la prise en charge de leurs clients à un délai de réservation préalable de 15 minutes ». En somme, le gouvernement a été plus loin que la loi afin de freiner l’activité des VTC, pour le plus grand bien des taxis. Dans sa décision, la juridiction ordonne en outre à l’État de verser 3000 euros à Allocab, 1000 autres euros à Voxtur, Transcovo et à Snapcar, chacun, afin de couvrir une partie des frais engagés.