La pression autour de Sony Pictures Entertainment augmente, avec le risque désormais d’annulation complète de la diffusion du film The Interview. Ce dernier a bien semble-t-il motivé l’attaque informatique, et les pirates menacent désormais les cinémas qui diffuseront le film, et les spectateurs qui iront le voir.
L'ombre de la Corée du Nord est toujours là
Il y a trois semaines, Sony Pictures Entertainment (SPE) subissait une importante attaque informatique ayant abouti au vol de plus de 11 To de données. Parmi elles, des films qui n’étaient pas encore sortis en salles, des bilans financiers ainsi que des projections, des informations personnelles sur les employés et les acteurs, des identifiants et des mots de passe pour les serveurs, ou encore des certificats de sécurité, dont un a été utilisé pour signer un variante du malware Destover.
La piste de la Corée du Nord avait été évoquée par plusieurs spécialistes, qui indiquaient notamment que le scénario ressemblait beaucoup à celui d’autres attaques dans lesquelles la dictature militaire était impliquée. Sony avait fini par faire valoir que cette hypothèse n’était pas sérieuse, et le pays lui-même avait réagi en indiquant qu’il n’était pour rien dans cette attaque. Le communiqué officiel ajoutait cependant que les États-Unis n’avaient que ce qu’ils méritaient et que son impérialisme avait favorisé l’émergence de sympathisants à la cause nord-coréenne.
Au centre de cette piste, on trouvait surtout le film The Interview. L’histoire, fictive, met en scène deux journalistes, incarnés par James Franco et Seth Rogen, qui se voient accorder une interview de Kim Jong Un, dirigeant de la Corée du Nord. Or, les deux compères sont contactés par la CIA pour qu’ils profitent de l’occasion afin d’assassiner le dictateur. Une mise en scène du meurtre de son dirigeant que le pays d’Asie n’avait guère appréciée.
Les pirates évoquent le 11 septembre et menacent les cinémas
Et voilà que dans un nouveau message, les pirates des Guardians of Peace menacent directement les cinémas qui diffuseront The Interview, les termes choisis laissant peu de place à l’imagination : « Nous allons clairement vous montrer, dans les lieux où sera montré The Interview, à quel point ceux qui cherchent l’amusement dans la terreur devraient être condamnés à un triste destin. Le monde verra bientôt quel horrible film a fait Sony Pictures Entertainment. Le monde sera rempli de peur. Souvenez-vous du 11 septembre 2001. Nous vous recommandons de vous tenir à l’écart de ces lieux. (Si votre maison est proche, vous devriez partir). Quoi qu’il advienne dans les prochains jours, cela aura été provoqué par l’avarice de SPE. Le monde entier dénoncera Sony ».
Les pirates publient dans la foulée deux archives contenant l’intégralité des emails du PDG de Sony Entertainment, Michael Lynton. Les Guardians of Peace montrent ainsi qu’ils sont bien les auteurs de l’attaque de SPE il y a trois semaines, les mêmes qui posent désormais des menaces terroristes directes contre les cinémas et les spectateurs.
La référence directe aux attentats du 11 septembre est particulièrement significative dans un message adressé à des États-Unis traumatisés par cet évènement, dont les cicatrices ont été notamment cautérisées par l’avènement de lois liberticides (en particulier le Patriot Act). Et ces menaces sont désormais prises au sérieux.
Les acteurs et certains cinémas font déjà machine arrière
Les acteurs James Franco et Seth Rogen ont en effet annoncé qu’ils annulaient toute une série d’interviews prévues dans le reste de la semaine. La raison n’a pas été donnée, mais la peur des attentats est certainement vive. Bien que le Department of Homeland Security, dont dépend la NSA, ait indiqué à Mashable qu’ « aucun renseignement crédible » ne permettait de valider cette thèse, le Los Angeles Times a annoncé il y a quelques heures seulement qu’une source proche de SPE que le studio envisageait purement et simplement l’annulation du lancement du film, prévu pour le 25 décembre. L’avant-première à New York a, quant à elle, déjà été annulée.
Les conséquences ne s’arrêtent pas là. Variety indique ainsi que la chaine Carmike Cinemas (comptant 2 632 salles dans tout le pays) a décidé de ne pas projeter le film. Même chose pour Landmark Theatres, comme le rapporte Deadline. Selon le New York Times, il s’agit d’une réaction à un message de SPE indiquant qu’il n’y aurait pas d’opposition à ce que le film soit annulé ou repoussé.
Difficile de juger actuellement si la réaction des acteurs, des cinémas et du studio est exagérée. Évoquer le 11 septembre est une marque forte et on peut imaginer que les pirates, ou plus exactement le groupe se cachant derrière, souhaitent simplement avoir un impact négatif sur les ventes, même si le film fait désormais beaucoup parler de lui par la polémique qui l’entoure. Une thèse renforcée par l’assurance du Department of Homeland Security que le spectre des attentats n’est pas crédible.