Largement soutenu, Microsoft tente de protéger les emails stockés en Irlande

Soutien que la justice pourrait totalement ignorer
Droit 4 min
Largement soutenu, Microsoft tente de protéger les emails stockés en Irlande
Crédits : NA/Photos.com/Thinkstock

Microsoft a publié hier un communiqué annonçant que des dizaines d’entreprises et organisations diverses soutenaient son action contre la justice américaine. Celle-ci lui réclame des informations stockées dans des emails dans le cadre d’une enquête sur un trafic de stupéfiants.

Mandats de recherche dans le cloud : le choc de juridictions nationales

Depuis plusieurs mois, Microsoft lutte contre la décision d’une juge de New York lui réclamant des données présentes dans des emails. Problème, ces derniers sont stockés en Irlande, posant une délicate question juridique. La justice argue en effet que le mandat de recherche suffit puisque Microsoft est une entreprise américaine et qu’elle contrôle l’intégralité des données, la localisation des serveurs n’ayant pas d’importance.

Ce qui n’est évidemment pas l’avis de la firme. Pour Redmond, les serveurs sont situés dans des zones logiques, pour être plus proches des clients. Les serveurs irlandais, en l’occurrence, contiennent les données des utilisateurs européens. Cela reviendrait donc à utiliser un mandat américain pour récupérer des informations européennes, et la firme craint de vastes imbroglios juridiques si tous les pays avaient la même idée. Elle a d’ailleurs tenté la carte de l’analogie récemment pour faire comprendre son point de vue.

Des dizaines d'intervenants pour étayer le point de vue de Microsoft 

Mais tandis que l’armada d’avocats de Microsoft tente de convaincre le tribunal, un vaste projet était en préparation : obtenir l’aide du plus grande nombre possible d’intervenants. Dans un communiqué publié hier soir, l’éditeur a donc dévoilé la liste des soutiens, et ils sont particulièrement nombreux. Il faut savoir en effet que dans le système juridique américain, une personne physique ou morale peut décider volontairement de participer au procès pour le bénéfice d’une des parties. Il s’agit d’un amicus curiae, un texte permettant de donner son avis précis sur une question quand il est estimé que la cour pourrait en être « éclairée ». Bien entendu, celle-ci peut tout à fait décider de ne pas en tenir compte.

Mais l’amicus, au-delà de sa dimension de conseil, peut se révéler un moyen de pression, quand suffisamment d’acteurs se manifestent. Dans le cas de Microsoft, ils sont nombreux :

  • Des entreprises et associations craignant l’effondrement de la confiance dans les technologies américaines : Apple, Amazon, Cisco, Salesforce, HP, eBay, Infor, AT&T, Rackspace, la Business Software Alliance ainsi que l’Application Developers Alliance.
  • Deux organisations commerciales craignant que le procès provoque des ondes de choc pour les autres entreprises, notamment dans leur capacité à se servir du cloud : l’U.S. Chamber of Commerce et la National Association of Manufacturers.
  • Cinq associations de défenses des libertés civiles pointant les atteintes à la vie privée : le Center for Democracy & Technology, l’ACLU (American Civil Liberties Union), l’EFF (Electronic Frontier Foundation), le Brennan Center for Justice (université de New York) et le Berkman Center for Internet & Society (Harvard)
  • Dix-sept groupes média et dix associations inquiets des possibles répercussions sur la sécurité de leurs emails et données : CNN, ABC, Fox News, Forbes, the Guardian, Gannett, McClatchy, le Washington Post, le New York Daily News, le Seattle Times, la Newspaper Association of America, le National Press Club, l’European Publishers Council, ou encore le Reporters Committee for Freedom of the Press.
  • Trente-cinq professeurs de sciences d’une vingtaine d’universités américaines (Harvard, Princeton, Columbia, Berkeley, MIT, Stanford…), souhaitant expliquer au tribunal les arcanes de la technologie utilisée afin qu’il puisse mieux appréhender la problématique
  • Digital Rights Ireland, et d’autres groupes européens de défense des libertés civiles, qui souhaitent rappeler que la meilleure voie pour traiter ce genre de problème est le recours aux traités d’assistance mutuelle.

Une question de granularité des accords d'assistance

Comme l’a rappelé Microsoft à plusieurs reprises, il ne s’agit pas d’une opposition au fait même de donner ces informations. La firme s’est dite consciente qu’il s’agit d’une enquête criminelle. Mais de la même manière qu’une banque américaine ne pourrait pas exiger de sa filiale irlandaise qu’elle livre le contenu d’un coffre, l’éditeur ne peut pas remettre des données stockées sur un serveur en-dehors du pays.

Au-delà de cette affaire en particulier, Microsoft souhaite que le débat soit élargi pour que le cas du stockage international des données soit évoqué. Mais si la firme estime que les autorités irlandaises devraient participer à l’enquête, la question va sans doute plus loin. Si un utilisateur français se retrouve ainsi dans la boucle d’une enquête criminelle aux États-Unis, le sort de ses données doit-il dépendre exclusivement d’un accord entre le pays de l’Oncle Sam et l’Irlande ?

Notez dans tous les cas que le tribunal peut tout à fait choisir d’ignorer l’ensemble de ces interventions. Mais l’accumulation des noms sur la liste est un signal fort et la justice devrait prendre note de la vague de protestations.

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