François Hollande a laissé deux mois à Google et aux éditeurs français le soin de s'accorder sur la question de la rémunération ou bien une loi sera votée. Peu avant, le moteur Google a secoué la menace d'une désindexation. Devant la mission Lescure, ce scénario avait justement été abordé par le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale (SPQN) et l’Association de la Presse d'Information Politique Générale (l'AIPG).
On le sait, le SPQN a proposé un texte de loi afin d’abandonner son droit à ne pas être indexé en échange d’une « taxe » (rémunération) payée par les moteurs. Ils reprochent en substance à Google de faire du beurre avec leurs contenus alors que leurs ressources baissent. « Une telle loi aboutirait à limiter l'accès à l'information, à réduire le nombre de sites français référencés sur Internet mais aussi à freiner l'innovation » a répliqué Google dans un courrier où il menace de désindexer de News et Search la presse française en cas de vote de cette disposition.
En ce début de semaine, François Hollande a finalement laissé deux mois à Éric Schmidt, le numéro un de Google, pour s’arranger avec les éditeurs français, sous peine de passer un texte au vote.
Maladroit, censure, impossible
Mais quelle serait la crédibilité d’une désindexation pour les éditeurs ? Devant la mission Lescure, la question leur a justement été posée voilà quelques jours. Denis Bouchez, directeur du SPQN et directeur de l'AIPG (l’Association de la Presse d'Information Politique Générale), n’y croit pas : cette désindexation serait politiquement « extrêmement maladroite », cela « affirmerait une position de censure ». Bref, « Google peut agiter cette menace, mais c’est impossible à mettre en application ». Francis Morel (vice-président de l'AIPG et PDG du Groupe Les Échos) a renchéri sur le terrain économique : « quel est le moteur de recherche qui pourrait se priver d’une indexation fraîche, actualisée avec la profondeur d’analyse de l’ensemble des contenus presse ? » En cas de désindexation, Google ouvrirait en effet le marché à ses concurrents.
De leur côté, les éditeurs pourraient aussi mettre en avant cette menace et priver Google de matière première en désindexant eux même leurs contenus. Nathalie Collin, (présidente de l'AIPG, coprésidente du Nouvel Observateur) ne veut pas en entendre parler : « l’objet même de nos entreprises est de créer, travailler et diffuser l’information le plus largement au public. Nous dire ‘vous n’avez qu’à ne pas être indexés’ voudrait dire ne soyez pas en kiosque, ne soyez pas visible et faites de l’information pour vos rédactions. »
Une mission d'intérêt général de référencement ?
Pour déjouer ce qu’elle nomme une « censure privée », Collin considère que « pour un moteur, ce serait de faire injure à son public que discriminer un certain nombre de contenus parce qu’une disposition législative leur demande de les rémunérer par une petite part de leur profit. » Si le journaliste a une mission d’intérêt général d’information, « un moteur a, quelque part une mission d‘intérêt général de référencement » ainsi « ce serait aller à l’inverse de ce qui est strictement leur ADN. » Mieux, selon la même Nathalie Collin, la désindexation créerait un problème d’éthique et « une confusion totale entre l’activité d’intérêt général d’un moteur et l’activité strictement publicitaire, puisque finalement, pour une motivation strictement financière, un moteur déciderait de réduire la qualité de son [référencement] ».
Bref, les éditeurs disposent d’un droit à la désindexation. Ils ne veulent ni ne peuvent mettre en œuvre ce droit. Ils souhaitent abandonner ce droit impossible en échange d’une rémunération versée par Google (et les autres moteurs). Et ils considèrent que les moteurs ne peuvent les désindexer car ce serait contraire à leur « mission d‘intérêt général de référencement ».
Les discussions avec Google se dérouleront jusqu’à la fin de l’année dans le secret des alcôves, avec le risque de laisser sur le carreau les éditeurs qui ne sont pas rattachés à l'un des syndicats représentés. Faute d’accord, François Hollande a déjà programmé une loi pour organiser la rémunération souhaitée par les éditeurs français...