Nous avons reçu, via le cabinet d’avocats Boedels, une demande de droit de réponse pour le compte du juge en cause dans cet arrêt. Il est intégré à la fin de cet article.
Les juridictions prud’homales ont eu à trancher un litige entre une femme et l’État d’Israël, son ex-employeur. En cours de procédures, elle a noté qu’un des juges (ou plutôt conseillers) prud’homaux, chargés d’examiner son dossier, avait manifesté des « convictions appuyées » en faveur d’Israël sur ses profils Facebook ou LinkedIn. Un bug d’impartialité ?
Selon elle, en effet, il n’est pas possible d’afficher « publiquement sur Internet, de manière ostentatoire et répétée,ses convictions en faveur de son contradicteur » sauf à mettre à plat le principe d’impartialité de la justice. En clair, elle estime que le juge en question risque de manquer d'indépendance lorsqu'il examinera son cas puisqu'il a fait connaître son penchant pour les causes de l'État d'Israël, son ex-employeur.
Pour appuyer sa demande de récusation, qui permet d'obtenir le remplacement d'un juge, cette ex-salariée, spécialisée dans les audits, produira des copies d'écran issues des comptes Linkedin et Facebook du conseiller prud'homal en cause. Celui-ci avait tenté de faire rejeter ces pièces, soutenant qu’il y avait là atteinte à sa vie privée.
Des éléments accessibles à tous sur Internet
La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 7 juillet 2014 désormais retranscrit, a rejeté ces critiques. Et pour cause, « ces documents accessibles à tous et dont la production aux débats ne constitue nullement, ainsi que le soutient [le conseiller prud'homal], une atteinte à sa vie privée, caractérisent les convictions, au demeurant parfaitement respectables, de celui-ci en faveur de l'État d'Israël ». En clair, le conseiller prud'homal ne peut s'abriter derrière le respect de la vie privée (et ses convictions) puisque ses propos ont été tenus sur Internet, sur des sites accessibles à tous.
« Ce choix, clairement et fortement affirmé, alors même que le conflit prud'homal en cause oppose Mme S. C. audit État d'Israël qui a été son employeur, est de nature à porter atteinte à l'impartialité objective que la requérante est légitimement en droit d'attendre de la personne qui peut être destinée à être l'un de ses juges ». Il y a donc bien violation de l’exigence d’impartialité attendue de la justice et la Cour d’appel de Paris a jugé fondée la requête en récusation.
On notera que le conseil en cause a poursuivi sur son compte Facebook ses marques d'attention, partageant une photo titrée « si toi aussi tu en as marre que l'Europe critique sans cesse Israël », 12 jours après cet arrêt.
Droit de réponse du juge consulaire
Nous avons reçu du cabinet d'avocats Boedels une demande de droit de réponse en réaction à cette actualité. Nous publions ce 8 décembre 2014 sa missive, accompagnée de nos commentaires.
« Au titre du droit de réponse, prévu par le décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 pris en application de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, de mon client, conseiller prud’homal visé par l’article en date du 7 octobre 2014 publié sur Next Inpact dont je vous joins copie, je vous indique qu’un pourvoi en cassation a été inscrit contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris. À ce titre, il convient d’indiquer que la décision n’est pas définitive et que mon client est parfaitement libre d’exprimer une opinion personnelle sur son site personnel accessible aux seules personnes qu’il a autorisées à cet effet, ce qui n’est pas, au demeurant, le cas de l’auteur de l’article ».
Nous prenons bonne note de cette information, sachant que nous n’avons évidemment jamais renié à ce juge consulaire la moindre parcelle de liberté d’expression. De plus, nous précisons que pas une seule fois le nom de ce juge n’a pour l’instant été mentionné dans notre article. Enfin, nous invitons l’intéressé à vérifier les paramètres de diffusion de ses publications sur FB puisque l’exemple cité ci-dessus est visible même par des utilisateurs non autorisés, ce qui est notre cas.