Plusieurs parlementaires viennent de questionner Marisol Touraine, ministre de la Santé, pour un sujet qui fait grincer quelques dents. La racine du mal ? L’arrivée de la conception et de la fabrication assistée par ordinateur (CFAO) dans les cabinets de dentistes, qui permet à ceux-là de se passer des prothésistes.
Plusieurs prothésistes se retrouveront dans la bouche de cette pluie de questions parlementaires posées aussi bien par des sénateurs que des députés de tous les bords confondus (question 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8)
Tous ne démordent pas que sous l’incitation des fabricants, les cabinets de dentistes investissent à plein régime dans des machines de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). Appareillés de ces scanners 3D, logiciels et de mécanismes d'usinage, ces cabinets modernisés peuvent faire l’économie des compétences des prothésistes dentaires (voir par exemple cette page).
Or, il y aurait un problème : selon l’article 4127-215 du Code de déontologie, « la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce ». Ces parlementaires pensent justement que l’arrivée de la CFAO ferait plonger ces acteurs dans des activités commerciales.
Des dentistes un peu trop commerçants ?
« L'acquisition de tel matériel de CFAO dont les premiers prix commencent à 120 000 euros est une incitation à effectuer des actes abusifs afin de rentabiliser cet investissement » jugent par exemple les sénateurs Michel Boutant (socialiste) et Vivette Lopez (UMP). Il est difficile de croire qu'un tel investissement, représentant à lui seul le coût global d'un cabinet dentaire classique (matériels et agencements), puisse n'être utilisé que pour moins d'une dizaine de cas par mois. »
La députée Laurence Abeille (écolo) fraise sur ce même chicot : « comment peut-on autoriser à fabriquer pour soi-même, un dispositif médical sur mesure que l'on se prescrit et le facturer à son propre patient sans faire acte de commerce ? Comment peut-on concilier dans ce cas l'obligation de résultat du prothésiste dentaire, alors que les chirurgiens-dentistes n'ont qu'une obligation de moyen (jurisprudence) ? »
Ils soupçonnent donc que cette activité ne serait pas seulement commerciale mais tendrait à devenir principale, ce qui est pour le coup prohibé par l’article précité.
Un trou pour la profession des prothésistes-dentaires
Selon eux, le chirurgien-dentiste « ne peut opposer le titre de prothésiste dentaire, ne disposant pas d'un diplôme nécessaire à l'exercice de cette profession ». Et pour couronner le tout, l’arrivée de l’informatique et de l’impression dentaire 3D « pourraient créer à terme la disparition d'emplois et la fermeture de nombreux laboratoires de prothèses dentaires, déjà touchés par plus de 30 % d'importations de prothèses dentaires hors Union européenne ». « En outre, croque le sénateur UMP Cédric Perrin, aucune des études réalisées ne permet d'affirmer que la CFAO en cabinet dentaire puisse faire baisser le prix des prothèses dentaires payées par les patients ». L’argent, nerf de la guerre ?
Au final, Jean-Pierre Decool (UMP), notamment, se fait l’écho des revendications de l'Association Perspectives Dentaires, à savoir l'interdiction pour les cabinets dentaires de pratiquer la fabrication de ces prothèses dentaires. La suggestion a été directement adressée à Marisol Touraine, ministre de la Santé dont on ne peut que présager une réponse incisive.