Président du jury des cinéastes à la cinquième édition du My French Film Festival, Michel Gondry a fait part à 20 Minutes de sa réaction face au piratage de ses œuvres. Une pratique qu'il ne juge pas si grave, d'autant que le réalisateur dit préférer que ses films soient piratés que pas vus.
« Je pense qu'il y a des crimes plus graves que de pirater ! » a-t-il exposé dans son interview, avant d’ajouter « je préfère que mes films, comme Conversations avec Noam Chomsky (2014), soient piratés plutôt que pas vus ! ». Le réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind a poursuivi de plus belle en donnant une petite claque à l’offre légale payante : « Pour ma part, je n'achète que légalement et je me fais souvent avoir. Je viens de me faire débiter ma carte de crédit trois fois par le site d'Arte sans pouvoir récupérer le programme que je voulais voir. »
« Je serais content qu'il y soit piraté »
Cette réaction plutôt souple à l’égard des échanges illicites n’est pas propre à Gondry. Voilà peu, Michel Hazanavicius a soutenu dans la même veine qu’il préfèrerait que son dernier film The Search soit échangé sous le manteau en Russie, où il a peu de chance de sortir : « je ne devrais presque pas le dire, mais je ne suis pas sûr que les circuits traditionnels sortent The Search en Russie. Je serais content qu'il y soit piraté » a prévenu le coréalisateur de La Classe américaine : Le Grand Détournement.
Une approche là encore partagée avec Luc Besson en 2011 à l’occasion de la sortie de son film The Lady, racontant l’histoire d’Aung San Suu Kyi. « Il est important pour moi que les gens voient le film, c'est la seule réussite qui a de la valeur à mes yeux. La seconde ce serait qu'après avoir vu le film, les gens rentrent chez eux et se renseignent sur Aung San Suu Kyi. Je pense qu'elle verra le film et c'est le bon côté du piratage. J'espère sincèrement que le film sera piraté en Birmanie. En fait, je leur donne ma bénédiction pour le faire, car ils n'ont le droit à rien, et c'est le seul moyen pour eux de voir le film, alors pour moi, c'est ok. » (Propos retranscrits par Cinemovie).
Mais le piratage n'est pas seulement un remède aux contraintes des circuits de distribution ou au désamour des amateurs de salles. D’autres grands noms du cinéma ou de l’audiovisuel estiment que les échanges illicites cultivent à plein régime le bouche à oreille sur les qualités de leurs œuvres. Une démarche qui vient épauler des études universitaires sur les effets bénéfiques de certains échanges non marchands.
Piratage et buzz
Ainsi, en 2013, David Petrarca, l’un des réalisateurs de Game of Thrones s’est dit satisfait du « buzz » autour de la fameuse série, dont les nombreux échanges en peer-to-peer lui ont permis de se tailler un pont d’or vers le succès confirmé aujourd’hui. Même son de cloche du côté de la chaîne HBO pour qui le piratage de cette série est vu comme un compliment « Je ne devrais probablement pas dire cela, se confiait Michael Lombardo en 2013, mais c’est une sorte de compliment. La demande est là, et cela n’a certainement pas impacté la vente de DVD. [Le piratage] est quelque chose qui accompagne les séries à large succès sur une chaîne par abonnement. »
Dans le passé, plusieurs études ont montré parfois les effets bénéfiques des échanges non marchands sur les ventes. Dans le secteur de la musique par exemple, des recherches menées à l’Université de Caroline du Nord constataient qu’il n’y a « aucune preuve d'un effet négatif » du P2P sur les ventes de musique. En 2008, une étude menée cette fois par Marsouin, une équipe de chercheurs français, concluait que « les films et séries sont surtout consommés par les utilisateurs des réseaux Peer-to-Peer (P2P). (...) Les individus qui téléchargent des vidéos sur les réseaux P2P sont également ceux qui achètent le plus de DVD. Enfin, les utilisateurs de réseaux P2P se caractérisent par une disposition à payer plus élevée que les autres internautes pour une offre légale de vidéos en ligne, adaptée à leurs besoins ».
Ces propos ne sont cependant que des cas particuliers mis au grand jour, les professionnels du cinéma jugeant généralement que ces échanges illicites sont la source de tous les maux.