Selon nos informations, la Cour d’appel de Paris vient de condamner ce 2 décembre Dailymotion à 1,3 million de dommages et intérêts au profit du groupe TF1. Épilogue d’un dossier né voilà plusieurs années et contre lequel la société envisage maintenant un pourvoi en cassation. Next INpact publie ci-dessous la décision.
Ce 2 décembre, la Cour d’appel de Paris a condamné Dailymotion à 1,3 million de dommages et intérêts. L’origine du conflit remontait à juin et juillet 2007. Le groupe TF1 avait fait constater la présence de plusieurs vidéos de son catalogue sur la plateforme Dailymotion : des épisodes de Heroes, Les Infiltrés de Martin Scorsese, le spectacle L’autre, c’est moi, de Gad Elmaleh, des journaux de TF1 et des émissions Le commentaire politique de Christian Barbier de LCI, etc.
En 2012, la justice avait consacré le rôle d’hébergeur de Dailymotion, mais l’avait malgré tout condamné pour des retards dans la suppression des contenus notifiés par le groupe. Un hébergeur est en effet en principe non responsable des contenus stockés sauf si, averti dans les règles, il ne supprime par promptement les liens illicites.
En appel, ce 2 décembre, la Cour va retenir une même qualification rejetant toute remise en cause de son statut d’hébergeur au profit de celui d’éditeur. Les juges d’appel vont cependant détricoter les faits et constater eux aussi des retards dans les retraits suite aux signalements effectués par TF1.
De multiples retards dans le traitement des contenus notifiés
Ainsi, « après les mises en demeure du 06 mai 2008, 8 vidéos sur 185 au préjudice de la SCS LCI et 510 vidéos sur 563 au préjudice de la SA TF1 étaient encore en ligne le 19 mai 2008, soit 13 jours après, ainsi que cela ressort du procès-verbal de constat d’huissier ». Autre exemple, parmi une longue liste, le spectacle L’autre c’est moi est resté en ligne 50 jours après une mise en demeure adressée le 30 avril 2008. La Cour va également reprocher à Dailymotion de n’avoir mis aucune action « à l’encontre des utilisateurs de son site expressément signalés par la SA TF1 comme exerçant une activité illicite de mise en ligne sur une large échelle de programmes au mépris des droits d’auteur ».
Pour les juges, ces retards constituent « des faits de concurrence déloyale et parasitaire constitutifs d’une faute engageant la responsabilité civile » de Dailymotion. Ils insisteront pour souligner que ces diffusions illicites ont dans le même temps nécessairement eu « un impact négatif sur l’audience télévisée et par voie de conséquence sur les recettes publicitaires de cette société privée, ne bénéficiant pas de la redevance de l’audiovisuel ».
Pas d'obligation de filtrage, le statut d'hébergeur consacré, des mots clefs supprimés
Cependant, la victoire de TF1 n’est pas totale. Ses demandes visant à mettre en place un filtrage seront repoussées sans nuance par la Cour. « L’hébergeur n’étant pas soumis par la LCEN à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de vigilance et de filtrage a priori, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de retrait de tous les contenus comportant les logos TF1 et/ou LCI, et de mise en place d’un système de filtrage a priori des contenus mis en ligne sur ce site ». Les chaînes privées réclamaient en effet la suppression de tous les contenus comportant les logos maison.
La cour a cependant confirmé une mesure ordonnée par les juges en 2012, soit la suppression de « TF1 » et « LCI « dans les mots clefs du site puisque ces suggestions permettent « d’accéder facilement aux programmes produits par ces deux sociétés et mis illicitement en ligne ».
Ce 1,3 million est en retrait puisque TF1 réclamait 78 millions d’euros en première instance.
Dailymotion envisage un pourvoi en cassation
Contacté, Dailymotion « prend acte de la décision de la cour d’appel de Paris qui lui reproche des retards dans les retraits de contenus, mais qui qualifie une nouvelle fois d’« hébergeur » son activité de plateforme de vidéos mises en ligne par les internautes. Cette décision fait une nouvelle application logique de la jurisprudence unanime de la Cour de cassation depuis 2011 qui sacralise ce statut d’hébergeur aux termes duquel Dailymotion n’est pas responsable a priori du contenu que les internautes mettent en ligne sur sa plateforme. »
La société se félicite surtout que la justice n’ait pas fait peser sur ses épaules aucune une obligation de surveillance générale, même limitée dans le temps. Une mesure qu’entendent pousser les ayants droit au niveau européen.