Les électeurs pourront soutenir des référendums d’initiative populaire sur Internet dès 2015

Soutiens gorge
Droit 6 min
Les électeurs pourront soutenir des référendums d’initiative populaire sur Internet dès 2015
Crédits : saintho/iStock/Thinkstock

Le gouvernement devrait publier ce mois-ci les décrets manquants pour la mise en œuvre de la procédure dite de « référendum d’initiative populaire », telle que prévue par la réforme constitutionnelle de 2008. Chaque électeur pourra ainsi apporter son soutien à des textes d’origine parlementaire, le tout via un site Internet dédié. Explications.

Le 1er janvier 2015, entrera en vigueur une importante modification de la Constitution. Le président de la République ne sera en effet plus le seul à pouvoir décider de l’organisation d’un référendum, puisqu’un tel scrutin pourra également avoir lieu « à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Certains ont ainsi parlé de référendum d’initiative populaire, dans la mesure où les citoyens pourront désormais choisir des textes de loi qu’ils aimeraient voter directement.

 

Mais dans la pratique, il s’agit davantage d’un référendum d’initiative partagée. Ce sont en effet les parlementaires qui rédigeront les propositions de loi qui pourront être soutenues par les électeurs. Dans un premier temps, il faudra donc qu’au moins 185 députés et/ou sénateurs s’associent pour le dépôt d’un texte, lequel ne pourra cependant pas avoir pour objet « l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ».

Les électeurs auront 9 mois pour apporter leur soutien à un texte de parlementaires

Le Conseil constitutionnel examinera ensuite la recevabilité de ces propositions de loi. Si les « Sages » de la Rue Montpensier donnent leur feu vert, s’ouvrira alors une période de neuf mois, durant laquelle les citoyens inscrits sur les listes électorales pourront soutenir le texte. La particularité de cette procédure ? Les soutiens ne pourront être exprimés que « sous forme électronique », c’est-à-dire au travers d’un site officiel mis en place par le ministère de l’Intérieur.

 

Ce point avait particulièrement fait débat l’année dernière, lors des discussions relatives à la loi organique encadrant ces nouvelles dispositions constitutionnelles. Par crainte que certains publics soient exclus du dispositif, du fait de leur âge ou de leurs ressources financières par exemple, le législateur a prévu que « tout électeur peut, à sa demande, faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune ou du consulat son soutien présenté sur papier ». Des bornes d’accès à Internet seront également mises à disposition des électeurs « dans la commune la plus peuplée de chaque canton », ainsi que dans les consulats.

 

La liste des soutiens sera d’autre part publique, puisque la loi organique de 2013 impose que « toute personne » puisse la consulter.

Deux décrets devraient être publiés ce mois-ci

Problème : beaucoup de ces dispositions attendent encore d’être complétées par décret, afin de préciser la mise en oeuvre du dispositif. Un rapport parlementaire, rédigé par le député Paul Molac dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, nous apprend toutefois que deux décrets en Conseil d’État « devraient être publiés en décembre ».

 

« Un décret, pris après avis motivé et publié de la CNIL, autorisera la mise en place du traitement automatisé de données à caractère personnel nécessaire au recueil des soutiens populaires. Un autre décret, non soumis à la CNIL, fixera les autres modalités d’organisation de la procédure, notamment les conditions de dépôt des soutiens au format papier » explique l’élu écologiste.

Une identification basique des électeurs sur un site dédié

Le ministère de l’Intérieur a expliqué à Paul Molac que ce premier décret viserait à mettre en œuvre une procédure d’identification relativement simple. Une fois sur le site dédié, l’électeur devra fournir son nom, son prénom, sa date de naissance, le nom de la commune dans laquelle il est inscrit, ainsi que son numéro de carte d’identité ou de passeport.

 

« Le contrôle qui sera effectué à ce stade par les services du ministère de l’Intérieur, en lien avec l’INSEE, sera minimal : il s’agira, selon les termes des représentants de ce ministère entendus par votre rapporteur pour avis, d’un simple « contrôle de vraisemblance », fondé sur la cohérence des données renseignées lors de la connexion au site » ajoute le député. En clair, il sera avant tout question de trouver d’éventuelles personnes qui auraient soutenu deux fois leur même texte ou fourni un faux numéro de carte d’identité par exemple.

Les listes de soutiens seront diffusées publiquement sur Internet

Le deuxième décret devrait quant à lui poser les conditions de consultation, sur un site Internet dédié, des soutiens recueillis par les propositions de loi. Sur demande de la CNIL, seuls les noms et prénoms des électeurs devraient être dévoilés, ainsi que le nom de leur commune d’inscription. Il ne sera par contre pas possible d’effectuer des recherches par ville par exemple, seules les recherches par nom étant envisagées.

 

« La liste pourrait être consultée au fur et à mesure du recueil des soutiens des électeurs, et non pas seulement à l’issue des neuf mois de collecte, ajoute Paul Molac. Un délai de cinq jours pourrait néanmoins être prévu entre le dépôt d’un soutien et sa publication sur le site, le temps de permettre au ministère de l’Intérieur de contrôler les données d’état-civil fournies ».

 

Quelle que soit la rédaction finalement retenue pour ce décret, la loi prévoit que les listes de soutiens seront détruites deux mois après la publication, par le Conseil constitutionnel, de la décision arrêtant le nombre de soutiens définitivement exprimés en faveur de chaque proposition de loi.

Une réforme qui coûtera au moins 1,8 million d'euros par an

Le coût de cette réforme est loin d’être négligeable pour le Trésor Public. Première dépense : le site Internet dédié au recueil des soutiens. En cours d’élaboration (en vue d’une ouverture au 1er janvier), cette plateforme a d’ores et déjà coûté 333 718 euros pour son développement, plus 31 109 euros au titre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Mais au total, ce sont 2,89 millions d’euros qui avaient été budgétés pour cette année, tant pour ce site que pour les dispositifs techniques qui devraient permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la procédure de recueil des soutiens.

 

députés assemblée

 

Le second gros poste de dépenses concerne les bornes d’accès à Internet qui seront installées dans certaines villes. Le député Molac affirme qu’une « enveloppe de 1,75 million d’euros a été prévue » à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2014.

 

Mais pour les années à venir, le rapporteur ajoute qu’ « à compter de 2015, un budget de 1,8 million d’euros devrait être prévu chaque année » pour l’organisation des référendums d’initiative partagée (tout compris). Ce montant, fondé sur une hypothèse de trois initiatives annuelles, lui semble cependant sous-évalué et bien trop « optimiste ».

Un véritable chemin de croix s'annonce

Mais le point le plus problématique de cette réforme réside en fait dans son utilité. La procédure s’apparente en effet à un véritable parcours du combattant, ce qui laisse à penser qu’aucun référendum ne pourra avoir lieu sur cette base... Il faut par exemple que l’ensemble de la proposition de loi portée par les parlementaires soit jugée conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel examinant en particulier la recevabilité financière des textes (le principe veut que chaque diminution de dépense soit obligatoirement compensée).

 

Surtout, il faudra qu’un dixième des électeurs apportent leur soutien à un texte, ce qui représente, au regard des 44,6 millions de Français inscrits sur les listes électorales au 1er mars 2014, quasiment 4,5 millions de personnes.

 

Et même si toutes ces étapes étaient franchies, il n’y aurait pas forcément de référendum d’organisé. En effet, ce n’est qu’au cas où la proposition de loi soutenue « n'a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées parlementaires dans un délai de six mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant qu'elle a obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » que le président de la République est tenu de la soumettre au référendum...

molac référendum initiative
Crédits : Rapport parlementaire de Paul Molac

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