« Si neuf élèves sur dix se sentent bien au collège en 2013, près de deux collégiens sur dix se déclarent victimes d’insultes, humiliations ou menaces diffusées sur les réseaux sociaux, par courriel ou SMS. » Telle est la conclusion d’une enquête très sérieuse dévoilée aujourd’hui par l’Éducation nationale, qui relève surtout que ce phénomène est en augmentation par rapport à 2011 et qu’il « retentit fortement sur le bien-être des élèves ».
Plus précisément, ce sont 18,2 % des collégiens sondés qui ont déclaré avoir été insultés, humiliés ou victimes d’actions dévalorisantes (diffusion de photos ou de vidéos « méchantes » ou d’actes de violence filmés) au moins une fois dans l’année scolaire, via Internet ou par SMS. À l’aide des smartphones et des réseaux sociaux, il est en effet de plus en plus facile de se moquer d’un camarade à distance, et surtout en dehors des heures de classe.
Ce chiffre global laisse cependant place à d’assez fortes disparités. Les filles sont par exemple plus nombreuses à se dire victimes de cyber-violence : 21,1 %, contre 15,5 % pour les garçons. Les statistiques varient également en fonction du type de brimade ou d’humiliation : 7,4 % des collégiens ont affirmé avoir été l’objet d’un surnom méchant, tandis que 2,4 % ont été victimes d’happy slapping, c’est-à-dire qu’ils ont été filmés pendant des actes de violence physique.
Une cyber-violence qui accompagne bien souvent les violences traditionnelles
Sans grande surprise, les jeunes victimes de cyber-violence sont également l’objet d’autres formes de violence, physique ou psychologique. L’Éducation nationale note ainsi qu’ « un élève sur trois ayant connu une cyber-violence a aussi connu des coups, contre un sur sept pour les élèves n’ayant pas déclaré de cyber-violence ».
Ce ne sont qu’une fois cumulés que ces actes de cyber-violence se transforment en cyber-harcèlement. L’étude retient à cet égard qu’une très grande partie des élèves n’est pas dans ce cas de figure, « seuls » 4,5 % des collégiens sondés ayant reconnu au moins trois types de violence au cours de la même année via les nouvelles technologies.
Cette étude s’inquiète surtout du fait que « ces violences sont en progression par rapport à l’enquête de 2011 », où 9 % des élèves déclaraient avoir été insultés ou humiliés par SMS ou Internet, contre 14 % deux ans plus tard.
Face à ce phénomène, l’Éducation nationale mise sur la prévention
Mais que fait l’Éducation nationale face à ce phénomène qui semble appelé à s’amplifier avec le développement d’Internet et des nouvelles technologies ? Fin 2013, le ministère a diffusé une circulaire et publié un « guide de prévention de la cyber-violence entre élèves » (PDF), afin d’aider les personnels et les parents à mieux prévenir, identifier et gérer ces actes de violence. Il était tout d’abord question d’encourager la sensibilisation des collégiens et lycées et de faciliter l’expression des victimes. Les chefs d’établissements étaient d’autre part invités à prendre les mesures de discipline interne s'imposant, voire à conseiller aux parents de porter plainte (voir le détail de la procédure dans cet article).
Un nouveau délit de cyber-harcèlement en vigueur depuis août
Rappelons enfin que le législateur a introduit il y a peu un nouveau délit de cyber-harcèlement. Depuis le mois d’août, « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » est pénalement répréhensible d’une peine maximale de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, dès lors que cette infraction est commise par le biais « d’un service de communication au public en ligne », tel qu’Internet. La sanction encourue passe même à trois ans de prison et à 45 000 euros d’amende si la victime est un mineur de moins de 15 ans.
La création de cette arme supplémentaire n’a pourtant pas suscité l’unanimité. Catherine Blaya, spécialiste de la cyber-violence, nous avait ainsi expliqué lors d’une interview que « pénaliser un peu plus et criminaliser des jeunes qui bien souvent ne mesurent pas la portée de ce qu’ils font (...) je ne pense pas que ça aide beaucoup... On sait bien que la criminalisation ne fait pas beaucoup avancer les choses en termes de prévention. »