Les près de 124 000 signalements opérés l’année dernière auprès de Pharos ont conduit les forces de l’ordre à ouvrir au moins 750 enquêtes, ainsi que 20 procédures de cyber-infiltration en matière de pédopornographie. C’est en tout cas ce qui ressort d’un rapport parlementaire, qui ne lève cependant pas totalement le voile sur les résultats de cette plateforme appelée à poursuivre sa montée en puissance, notamment suite à l’adoption de la dernière loi anti-terroriste.
Pharos, une plateforme qui monte (discrètement) en puissance
Même s’il reste encore peu connu du grand public, le site « internet-signalement.gouv.fr » fait de plus en plus souvent parler de lui. Et pour cause, c’est depuis cette plateforme officielle ouverte en 2009 que les internautes peuvent signaler aux autorités un contenu ou un comportement qui leur semble interdit par la loi : une vidéo sur YouTube dans laquelle on voit un jeune s’amuser à jeter un chaton contre un mur, des propos racistes ou antisémites tenus sur un blog, des images pédopornographiques qui circulent sur Twitter, etc.
Le nom de cette fameuse plateforme, gérée par les policiers et gendarmes de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) ? Pharos, pour « Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements ».
Son rôle est avant tout de faire le tri entre les différents signalements, de vérifier que les actes dénoncés soient bien répréhensibles, avant de saisir le cas échéant le service compétent en vue d’une éventuelle enquête : police, douanes, Interpol... L’année dernière, ce sont 123 987 signalements qui ont été fait auprès de Pharos, contre 119 788 en 2012. L’augmentation du nombre de dénonciations s’avère être relativement plus importante sur le long terme, puisqu’il n’y en avait que 53 000 en 2009.
Un ministère de l'Intérieur bien discret sur ses statistiques
Problème : si les forces de l’ordre se montrent transparentes sur le nombre de signalements qu’elles reçoivent, le silence est de mise s’agissant des suites qui leur ont été accordées... Combien de signalements ont été transmis aux différents services de police ? Combien d’enquêtes ont ensuite été ouvertes ? Combien y a-t-il eu de mises en examen, voire de condamnations ? Voilà autant de questions auxquelles le ministère de l’Intérieur a toujours refusé de répondre, lorsque nous l’avons sollicité.
Mais la Place Beauvau a finalement livré d’intéressantes statistiques au sénateur Jean-Patrick Courtois, qui les reprend au travers d’un récent rapport parlementaire au projet de loi de finances pour 2015 (PDF).
Tout d’abord, l’on apprend que les signalements auprès de Pharos visent dans plus d’un cas sur deux des faits d’escroquerie et d’extorsion de fonds (56 %). D'autre part, alors qu’on entend souvent parler des problèmes de racisme et d’antisémitisme sur Internet, la xénophobie et les discriminations ne concernent « que » 10 % des dénonciations. « 12 % sont liés aux atteintes aux mineurs » poursuit le rapport, qui ne précise pas à quels types d’infractions s’adressaient les 22 % de signalements restants...

« Ces répartitions statistiques sont identiques à celles de 2012 » est-il ajouté.
Seuls 6,5 % des signalements font l’objet d’une transmission
« Sur la base de ces signalements, Pharos a effectué 7 968 transmissions pour information ou traitement aux services compétents, au plan international et national » indique le rapport du sénateur Courtois. Il s’agit là du nombre de dénonciations pour lesquelles les agents de l’OCLCTIC ont estimé qu’il serait pertinent de mener une enquête, formellement confiée aux unités compétentes : brigade des stupéfiants, douanes, gendarmerie, Interpol, etc. Selon une précédente réponse écrite du ministère de l'Intérieur, 1 300 de ces transmissions concernaient des affaires de racisme et de discriminations.
Ce chiffre peut paraître assez faible, puisqu’il ne représente qu’à peine 6,5 % des signalements reçus l’année dernière. Il laisse surtout à penser que plus de 90 % des dénonciations finissent par être écartées.
Près de 8 000 transmissions, pour quelques centaines d’enquêtes
Suite à ces transmissions aux différents services, il est précisé qu’ont été ouverts :
- 371 enquêtes préliminaires ou en flagrance,
- 379 enquêtes pour secours à personne (annonces de suicides imminents, signalement de violences intrafamiliales ou d’abus sexuels),
- 20 procédures de cyber-infiltration en matière de pédopornographie.
Si l’on résume, on a donc eu 123 987 signalements d’internautes en 2013, qui ont donné lieu à 7 968 transmissions aux services de police compétents, pour plus de 700 enquêtes et 20 procédures à l’encontre de pédophiles. Si ces premiers chiffres permettent d’avoir un meilleur éclairage sur l’activité de Pharos, ils n’en demeurent pas moins lacunaires. Il reste en effet certaines zones d’ombres (d'autres types d'enquêtes ont pu être ouvertes, notamment par Interpol), et c’est un véritable trou noir s’agissant des éventuelles condamnations ayant pu résulter des signalements des internautes.