eSport, triche et « hacks » : quand les joueurs professionnels dérapent

À l'insu de leur plein gré
eSport, triche et « hacks » : quand les joueurs professionnels dérapent
Crédits : stokkete/iStock/Thinkstock

C'est un drôle de séisme qui est en train de frapper le petit monde du sport électronique. Ces derniers jours un scandale a éclaté au sujet de la triche lors des grandes compétitions sur Counter Strike Global Offensive. Il a révélé au grand jour l'existence d'un marché noir de la triche pour les joueurs professionnels.

Dans les jeux vidéo, la triche a toujours existé. Dans les années 80-90, on s'échangeait les annuaires de « trucs et astuces » vendus chez le marchand de journaux pour récupérer quelques codes afin de sauter un niveau un peu difficile. Plus tard les disquettes de l'ETAJV prendront le relais, avant de voir débarquer des logiciels spécialisés (et souvent payants) permettant de doper vos performances « à l'insu de votre plein gré ». 

 

Entre les « Aimbots », ces programmes visant vos ennemis à votre place sur les jeux de tir, les « Wallhacks » qui permettent de voir à travers les murs où se cachent vos adversaires, ou encore les « maphacks » vous autorisant à voir au travers du brouillard de guerre qui ont un temps sévi sur Starcraft II, les moyens de tricher sont devenus de plus en plus nombreux avec le temps. Et avec la récente explosion du sport électronique, des fortunes amassées par certains joueurs, et des récompenses toujours plus importantes durant les tournois, la triche s'invite au plus haut niveau, comme dans le sport traditionnel.

Un simple bannissement par l'ESEA comme déclencheur

Ainsi, le 19 novembre dernier on pouvait apprendre que « Smn » un joueur de Counter Strike Global Offensive de l'équipe allemande Alternate a été banni pour un an par le logiciel anti-triche de l'ESEA, une structure organisant des tournois professionnels sur ce jeu. Pour sa défense, l'homme expliquera qu'il n'est pas le seul à utiliser ce genre de logiciels, sans donner plus de précisions.

 

Sans décrire le mode de fonctionnement du système de triche utilisé, un officiel de l'ESEA explique alors que cette prise leur a permis d'affiner leur protocole de détection, et qu'elle travaille avec Valve afin de pouvoir bannir « d'autres joueurs professionnels ». Le lendemain, promesse tenue, avec le bannissement par Valve de « KQLY », un joueur qui a notamment remporté l'ESWC (Electronic Sports World Cup) en 2013 avec son équipe. Il rejoindra ensuite la Team LDLC en février dernier, qu'il quittera quelques mois plus tard avant une victoire à la DreamHack Stockholm, un des tournois les plus prestigieux au monde.

 

Le joueur français avouera d'ailleurs sa faute sur son mur Facebook et lâchait alors un pseudonyme : « supex0 ». Il s'agirait selon lui d'un hacker avec qui il aurait été mis en contact cet été et qui lui a expliqué que de nombreux joueurs professionnels utilisaient son programme de triche. Il lui aurait offert 7 jours d'essai avec et le joueur l'aurait testé sur des serveurs publics, ce qui aurait provoqué son bannissement.

 

Dans la foulée un certain SF, un joueur Français se fait également limoger par son équipe après avoir été lui aussi pris dans les filets de Valve et avoir avoué sa faute à son équipe. Son Palmares etait lui aussi assez bien fourni avec une demi-finale lors de la DreamHack Summer 2014 et une deuxième place à la DreamHack Valencia la même année.

Crédits : Jon Åslund (licence: CC by SA 2.0)

Trois bannissements suffisent à provoquer le chaos

En l'espace de quelques jours, ce sont donc trois joueurs professionnels qui ont été pris la main dans le (s)hack mais cela a eu de grosses conséquences dans le milieu. Les équipes ayant aligné ces joueurs lors de divers tournois qualificatifs pour de grosses compétitions se sont vues disqualifiées, ce qui provoque un certain chaos dans l'organisation des prochains événements, dont la prochaine DreamHack Winter qui se tiendra dès demain, et dans laquelle 100 000 dollars sont promis à l'équipe victorieuse.

 

Sans compter qu'au-delà des problèmes d'organisation, les soupçons de tricherie vont hanter toutes les compétitions à venir, et leurs organisateurs n'ont pas la possibilité de détecter simplement si un hack est utilisé ou non.

 

Pour les équipes disqualifiées, le manque à gagner est également très important, et ce, même sans parler de leurs éventuels gains lors des tournois. Ces événements demandent de lourds investissements, que ce soit pour les salaires des joueurs, les frais de déplacement, l'établissement de « gaming houses » pour l'entraînement, etc.

 

Il faut aussi tenir compte du fait que Valve vend pendant les tournois des stickers utilisables en jeu à l'effigie des équipes, sur lesquels elles touchent une part qui représenterait un montant de l'ordre de quelques dizaines de milliers de dollars, selon des sources proches du dossier. Enfin, les sponsors sont moins susceptibles de s'associer avec des structures éclaboussées par ce type de scandale, ce qui peut rapidement devenir problématique pour certaines.

Un pirate finit par décrire son mode opératoire

En effet, comme l'explique un ancien pirate sur le site 99damage, une source plutôt fiable, mais restant sujette à caution dans le milieu du sport électronique, le système mis au point par le fameux « supex0 » est quasi indétectable. Ce serait d'ailleurs pour cela que jusqu'ici personne n'en avait entendu parler, alors qu'il serait en circulation depuis quatre ans (il fonctionnait précédemment sur d'autres jeux basés sur le Source Engine avant d'arriver sur CS:GO).

 

Pour ne pas se faire détecter, le code ne vient pas se glisser dans l'exécutable du jeu, mais dans des fichiers DLL, dont Valve ne vérifie pas la signature. Ces DLL modifiées sont stockées dans le cloud de Steam ou distribuées via le Workshop de la plateforme et sont mises à jour régulièrement pour contrer les parades mises en place par Valve. Ainsi, dès qu'un joueur se connecte à son compte Steam, même sur une machine ne lui appartenant pas, le logiciel de triche est automatiquement téléchargé. Mieux encore, si une connexion à internet n'est pas disponible, une application sur smartphone permet de glisser le bout de code adéquat sur le PC, ni vu ni connu.

 

Le pirate a également la main sur chacun des utilisateurs de son système, et peut désactiver son code à distance en cas de besoin. Une fonctionnalité qui selon la source de 99damage, pourrait lui permettre de faire du chantage aux joueurs et leur réclamer une fraction de leurs gains s'ils veulent que leur petit gadget fonctionne encore. Une autre option pourrait également concerner la prise de paris sur des matchs, et ainsi tirer un bénéfice supplémentaire du logiciel, en plus de ses ventes, estimées à 1000 euros par licence. Difficile dans ces conditions d'affirmer que les prochaines compétitions seront totalement saines malgré l'éviction de quelques brebis galeuses.

Et ce n'est pas fini...

Il faut garder à l'esprit que tout ce drame ne se déroule que sur un seul jeu, qui plus est pas sur le plus populaire de tous ceux joués de manière professionnelle. Si quelques tournois à 100 000 dollars aiguisent déjà l'appétit des tricheurs, imaginez quel attrait peuvent avoir les 10,9 millions de dollars promis lors de The International 4 sur DOTA 2, ou des millions de dollars promis par Riot Games lors des grandes finales LCS sur League of Legends, ou encore sur Starcraft II. 

 

Sur ce dernier, quelques affaires à plus petite échelle avaient d'ailleurs éclaté en 2013, avec notamment le bannissement d'un joueur nommé « Imbatoss », accusé d'utiliser un logiciel permettant de voir au travers du brouillard de guerre. Il avait pu ainsi rejoindre le premier rang de la ligue Grand Maître sur le classement européen du jeu.

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