Hier l’association UFC Que Choisir a jeté un nouveau pavé dans la mare de la rémunération pour copie privée. Questionné, Alain Bazot est revenu sur les raisons qui ont poussé l’association qu’il préside à bouder la commission chargée d’établir cette redevance.
Hier, l’UFC Que Chosir a publié son étude sur la redevance copie privée. Elle dénonce un système taillé pour les ayants droit français, où les rendements locaux avalent près de 60% des sommes collectées en Europe. Pour l’organisme, en charge de la défense des consommateurs, la cause tient dans des calculs biaisés qui servent de fondements à l’établissement de cette ponction, outre une gouvernance qui fait un pont d’or à ses bénéficiaires. Les ayants droit sont en effet 12 face à 6 représentants des consommateurs et 6 autres des industriels (importateurs, fabricants, distributeurs, télécoms), en force donc pour imposer leurs conceptions rémunératrices.
L'UFC ravalée à un rôle d'observateur en commission copie privée
Seulement, jusqu'en 2012, l’UFC a été membre de cette commission où elle a décidé de pratiquer la politique de la chaise vide. Pourquoi ? « On y a été parce que l’enjeu est important, puisque c’est une commission qui a un pouvoir décisionnaire » nous a expliqué Alain Bazot lors d’une conférence téléphonique. Seulement, « on s’est rendu compte qu’on n’était ravalé qu’à de simples observateurs et il était inadmissible que ce déséquilibre extrême dans la composition ou les modes de prises de décision fassent accréditer l’idée que l’UFC Que Choisir cautionne ce dispositif. »
Les conditions de son retour
L’association est cependant prête à revenir en ces lieux, mais sous condition d’une modification des règles de gouvernance. « Tant que cette commission ne sera pas revenue dans une composition et un minimum de fonctionnement acceptable, nous ne pourrons pas siéger et nous compromettre dans ce genre d’organisme ». Dans son rapport, l’UFC suggère à Fleur Pellerin deux pistes : une commission composée de 8 ayants droit, 8 industriels et 8 consommateurs. Seulement, cette réforme imposerait le passage par un véhicule législatif. Du coup, elle propose une voie réglementaire, donc plus accessible, visant à basculer les votes vers une majorité qualifiée des deux tiers. Par ce biais, les douze ayants droit devraient transiger avec davantage de représentants des autres collèges, alors qu’actuellement, une petite voix suffit.
Ces bugs avaient déjà conduit l'association à décliner une invitation au retour adressée par le ministère de la Culture en 2012. Elle nous confirmait à l'époque avoir décliné l'offre «puisqu’elle revenait à accepter d’être un faire-valoir. Puisque l'on vote pour ou contre, les barèmes proposés seraient [de toute façon] passés. Il est donc hors de question pour nous de laisser penser que nous soutenons les décisions d'une institution plus que jamais en panne. »
La justification des ayants droit
Ces réformes attendues auront-elles l’assentiment des ayants droit ? Ceux-ci seront évidemment attentifs au profil des autres membres appelés à siéger (lire à ce titre ce communiqué de 2012). De même, hier dans les Échos, Pascal Rogard (SACD) a justifié les hauts niveaux français notamment par l’engouement national pour la culture : « la France est un pays où la pratique culturelle est plus importante qu'ailleurs. On le voit avec le cinéma, qui fait 200 millions d'entrées par an. Il n'est pas illogique que la copie privée soit plus élevée ». Cela justifie-t-il cependant que le rendement de la redevance représente 60 % de celui constaté dans tous les pays européens qui pratiquent cette ponction ?
Une mission d'information à l'occasion des 30 ans de la redevance
Le 20 novembre dernier, Patrick Bloche a indiqué en séance à l’Assemblée nationale qu’une mission d’information allait être lancée sur le thème de la copie privée. Elle rendra ses conclusions avant l’été 2015, à l’occasion des 30 ans de l’institution. Elle tirera alors « le bilan et les perspectives de la loi de 1985, afin d’aller au fond des réalités de la copie privée et de nous inscrire dans l’avenir, qui est celui de la rémunération des auteurs et des ayants droit à l’ère numérique ». Mais quid des consommateurs ?