Mécontente de ne pas avoir obtenu de réponse de la part des deux ministres en charge de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur (lire ci-dessous), la députée Isabelle Attard a transmis ce matin une question écrite à Geneviève Fioraso. L'intéressée est à nouveau priée de faire connaître « ses positions sur les logiciels libres et les formats de documents ouverts », ainsi que de présenter « ses projets pour faire [des principes de l’interopérabilité] une réalité dans l'enseignement supérieur et la recherche ». Nous ne manquerons pas de revenir sur cette réponse lorsqu'elle sera publiée au Journal officiel, probablement d'ici plusieurs semaines ou mois.
Pas un seul mot. Interrogées avant-hier par une députée qui souhaitait savoir comment le ministère de l’Enseignement supérieur entendait favoriser le logiciel libre et l'interopérabilité notamment au sein des universités, la ministre Najat Vallaud-Belkacem et sa secrétaire d’État Geneviève Fioraso sont restées bien muettes.
Ce mercredi, Najat Vallaud-Belkacem était de nouveau auditionnée par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale (voir la vidéo). Reçue il y a deux mois afin de faire le bilan de la rentrée scolaire, la ministre de l’Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur était cette fois priée d'en faire de même s'agissant de la rentrée universitaire – toujours plus tardive que celle des écoliers, collégiens et lycéens. Geneviève Fioraso, la secrétaire d’État en charge de l’Enseignement supérieur, fut également conviée.
« Le numérique n'est qu'un outil »
Dans leur propos liminaire, les deux membres du gouvernement ont insisté sur l’importance prise par le numérique dans l’Enseignement supérieur. « Concernant la pédagogie, le numérique est un des grands chantiers de cette rentrée. Je crois vraiment que c'est une formidable opportunité pour faire progresser les savoirs et pour transformer les modes de transmission des connaissances » a ainsi déclaré Najat Vallaud-Belkacem. Geneviève Fioraso s’est quant à elle montrée plus prudente : « L'innovation pédagogique passe par le numérique, mais le numérique n'est qu'un outil. C'est un accélérateur d'innovation, ce n'est pas une fin en soi. »
Les intéressées n’ont pas manqué d’évoquer la mise en place de cours en ligne gratuits sur le site FUN (pour « France Université Numérique »), les fameux MOOCs. Geneviève Fioraso a d’ailleurs expliqué que son ministère continuait à lancer des appels à projets en vue d’enrichir la cinquantaine de cours d’ores et déjà proposés. « Plus de 400 000 personnes » se sont inscrites à ces MOOCs selon la secrétaire d’État, même si inscription n’est pas forcément synonyme d’assiduité.
Étrange silence sur l’interopérabilité
Comme le veut la tradition en matière d’auditions, les députés peuvent ensuite poser à tour de rôle leurs questions. La personne interrogée ne répond qu’une fois toutes les questions posées, ce qui fait que certaines passent bien souvent à la trappe...
La députée Isabelle Attard (Nouvelle Donne, apparentée au groupe écologiste) avait justement choisi d’interpeller les deux ministres sur l’appel lancé la semaine dernière par l’April à propos de l’interopérabilité. L’association de promotion du logiciel libre s’inquiète en effet de l’utilisation massive de formats fermés et propriétaires au sein de l’Éducation nationale - notamment ceux liés à Office, la suite bureautique de Microsoft (voir notre article).

« Favoriser le logiciel libre et l'interopérabilité, c'est aider les étudiants et les personnels à faire des économies. C'est améliorer la sécurité de leurs systèmes informatiques et c'est surtout leur garantir que les documents réalisés durant leurs études le resteront indéfiniment sans être prisonniers d'un logiciel et d'un éditeur. Quels sont vos projets pour faire de ces principes une réalité dans l’Enseignement supérieur et la recherche ? » a ainsi demandé Isabelle Attard.
Sauf que pendant plusieurs dizaines de minutes, les réponses de Najat Vallaud-Belkacem et Geneviève Fioraso se sont succédé, sans que la question de l’interopérabilité ne soit évoquée... À un moment, la seconde n’est pas arrivée à lire les notes rédigées par ses conseillers. Elle a de ce fait préféré passer directement à la suite, ce qui a passablement agacé Isabelle Attard.
#directAN Je suppose que rép. sur #LogicielsLibres était écrite sur papier illisible fourni à #GFioraso. Ou comment se moquer des députés.IA
— Députée Attard et al (@TeamIsaAttard) 19 Novembre 2014
Ce silence est d'autant plus dommageable que le gouvernement prépare un grand plan pour le numérique à l'école, et que sa dernière loi sur l'Enseignement supérieur prévoit expressément que « les logiciels libres sont utilisés en priorité » pour tout ce qui est ressources pédagogiques et services numériques.
Geneviève Fioraso a par contre bien pris le temps d’expliquer aux députés qu’il était important de déconstruire en quelque sorte l’image que les filles se faisaient des informaticiens, afin qu’elles se dirigent davantage vers les filières scientifiques - de type ingénierie informatique. « Les informaticiens, les matheux appliqués sont encore vus trop souvent comme des geeks, avec la capuche, qui ne parlent à personne », ou bien « comme des garçons qui jouent depuis le plus jeune âge aux jeux de baston face à leur écran, avec d'autres garçons » a-t-elle déclaré. « C'est quelque chose qu'il faut changer dès le lycée » a soutenu Geneviève Fioraso.