Pourquoi l’association CLCV assigne Netflix en justice

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Droit 6 min
Pourquoi l’association CLCV assigne Netflix en justice

L’association de consommateurs CLCV vient d’annoncer qu’elle assignait Netflix, le géant américain de la vidéo en streaming, devant le tribunal de grande instance de Paris. Les plaignants pointent du doigt les conditions générales d’utilisation de ce service proposé en France depuis le mois septembre, et qui sont considérées comme « abusives et illicites ». Explications sur les détails de cette procédure.

Si l’on savait que le géant Netflix suscitait beaucoup d’inquiétudes chez les ayants droit, notamment depuis son arrivée en France, on s’attendait en revanche moins à ce qu’il y ait des levées de boucliers du côté des consommateurs. L’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) a pourtant créé la surprise en affirmant ce matin qu’elle engageait une action judiciaire contre Netflix, dont le siège est situé au Luxembourg, devant le tribunal de grande instance de Paris.

 

Dans le collimateur de l’organisation : les conditions d’utilisation de Netflix, ces clauses que tout le monde accepte, mais que personne (ou presque) ne lit... Selon la CLCV, elles seraient « abusives et illicites ». L’association soutient que le géant américain a traduit un peu trop vite de l’anglais au français ces documents contractuels applicables à tous ses abonnés situés dans l’Hexagone (et que l’on peut consulter ici). « Nous faisons face non à de simples entorses, mais à des conditions qui paraissent fondamentalement éloignées du droit de la consommation français » affirme-t-elle, ajoutant qu’il s’agit là « d’un cas assez symptomatique d’un acteur numérique « global » qui s’encombre assez peu de considérations locales ».

 

conditions netflix

 

Si l’association reconnaît que la présence de Netflix « présente des aspects tout à fait positifs pour le consommateur », elle dit vouloir rester « vigilante quant au respect des droits du consommateur ». Ses reproches à l’égard de l’entreprise américaine reposent sur deux axes principaux. 

Les informations fournies au consommateur avant qu’il n’opte pour Netflix

L’association de consommateurs regrette « qu’une partie importante de l’information précontractuelle prévue par notre législation [ne soit] pas donnée » par Netflix, par exemple s’agissant de l’offre exacte de contenus auxquels peut accéder l’abonné. En effet, il est impossible de savoir avec précision quels sont les films ou séries proposés au visionnage avant d’avoir franchi le pas... Les plaignants opposent ici l’article L111-1 du Code de la consommation, qui impose au vendeur de communiquer à son client, « de manière lisible et compréhensible », des informations sur les « caractéristiques essentielles du bien ou du service ».

 

L’organisation à l’origine de cette assignation considère que Netflix devrait également donner davantage d’informations sur la qualité de service auquel doit pouvoir s’attendre le consommateur, avec éventuellement des renseignements sur la démarche à suivre au cas où la qualité ne serait pas au rendez-vous (débit trop faible, etc.). « Là où un consommateur attendrait un test d’éligibilité pour déterminer précisément le service auquel il est en droit de s’attendre, il doit se contenter d’une information très théorique » déplore à cet égard la CLCV.

 

Autre point de mécontentement, plus accessoire : les conditions d’utilisation contiennent des liens hypertextes qui renvoient vers des pages rédigées uniquement en anglais. Une pratique « contraire à notre législation » selon l’association, qui perçoit cela comme « un obstacle manifeste pour un consommateur qui veut lire son contrat » :

 

conditions netflix

Les droits du consommateur seraient volontairement limités

Les droits du consommateur seraient également malmenés une fois le contrat signé. L’association CLCV affirme en particulier que les conditions d’utilisation de Netflix comportent « plusieurs clauses qui permettent au professionnel de modifier unilatéralement le contrat signé ». En clair, l’organisation soutient que l’entreprise pourrait ainsi décider de changer à tout moment de tarifs ou de date de facturation, sans en informer préalablement ses clients. « Ce point est tout à fait important, insiste-t-elle. Netflix pourrait arguer que l’on peut résilier sans frais à tout moment et que, en cas de changement des clauses ou du tarif que le consommateur n’apprécierait pas, il peut donc se désister. Le problème tient au fait que le consommateur ne sera probablement pas informé des modifications et que dans bien des cas il ne s’en rendra pas compte. »

 

Dans le même filon, l’organisation s’inquiète d’une clause exonérant l’entreprise américaine de toute obligation de résultat en matière de qualité d’images. Les conditions d’utilisation stipulent en effet que « Netflix se dégage de toute responsabilité ou garantie quant à la qualité vidéo sur votre écran ». Mais pour la CLCV, il ne s’agit que d’une combine visant à se protéger, au cas où le débit de la connexion de l’abonné serait insuffisant pour visionner des contenus dans de bonnes conditions... L’association pointe dès lors du doigt cette tactique ayant « pour effet de dissuader le consommateur de faire valoir ses droits en justice ».

 

Encore un exemple : une clause permet à Netflix de « résilier ou restreindre » l’utilisation de son service « sans compensation ou préavis » s’il s’avère que l’abonné fait « une utilisation illégale ou illégitime du service », voire même si l’entreprise a de simples soupçons... Ces termes étant particulièrement vagues, l’organisation plaignante affirme ainsi que « l’insécurité est au rendez-vous pour le consommateur ».

« Ce que nous voulons, c'est que le juge sanctionne »

Mais quel est l’objectif de cette assignation ? « Par principe, on ne demande pas de dommages et intérêts autres que la prise en charge des frais de justice pour ce type de procédure. Ce que nous voulons, c'est que le juge sanctionne » nous a répondu François Carlier, le délégué général de la CLCV. Si l'association réclame avant tout une modification des clauses litigieuses, l’éventualité d’une amende est également dans les esprits.

 

Le porte-parole de la CLCV nous a par ailleurs indiqué qu’aucune discussion n’avait été engagée avec Netflix avant le dépôt de cette assignation. « Quand on s'adresse à un professionnel pour lui proposer de changer ses clauses, c'est peu courant qu'il réponde, et c'est encore plus rare qu'il les modifie directement ! D'autre part, ça n’aurait pas été évident d’entamer des négociations comme ça, à froid, avec une direction juridique basée au Luxembourg » explique François Carlier.

 

L’association CLCV affirme néanmoins que la case « procès » n’est pas pour autant obligatoire... « Soit Netflix est prêt à bouger avant, ce qui arrive parfois dans ce type d'assignation, et à ce moment-là, on prendra acte. Soit ça va jusqu'au procès, et le juge pourra dès lors choisir de condamner Netflix pour non respect de ces clauses ». En clair, l’hypothèse d’un arrangement amiable est tout à fait possible, même si encore peu probable à cette étape de la procédure.

Netflix « examine attentivement » les accusations de la CLCV

Contacté par Next INpact, Netflix déclare ne pas vouloir commenter « pour l'instant » les points soulevés par l'association CLCV, que le géant américain affirme cependant être « en train d'examiner attentivement ». L’histoire de ce type de procédure, à l’image de l’assignation des principaux réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Google+) par l’UFC-Que Choisir, montre cependant que les géants du numérique aiment camper sur leur position, qui consiste à dire qu'ils respectent le droit national. Netflix a ainsi souvent souligné qu’il respectait la réglementation française en matière de chronologie des médias par exemple. 

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