Depuis son lancement, Assassin's Creed Unity a énormément fait parler de lui, mais pas vraiment pour de bonnes raisons. Entre bugs ridicules et soucis de stabilité, le dernier blockbuster d'Ubisoft n'a pas vraiment fait l'unanimité et cela n'est pas sans conséquences.
Ces derniers temps, les lancements de gros titres d'Ubisoft ont bien du mal à se passer comme prévu. Avec Watch_Dogs, l'éditeur français avait dû faire face à une déferlante de critiques concernant les nombreux bugs rencontrés au sein de la version PC, notamment avec des graphismes en deçà de ce qui avait été promis pendant l'E3. Et si ce genre de problème arrive régulièrement chez tous les éditeurs de la planète, il reste bien plus rare d'en arriver à un point où l'on retrouve des paramètres graphiques tagués « E3 » dans les fichiers de configuration du jeu sur PC. Ce qui n'a pas manqué d'écorner l'image de l'entreprise et de la qualité de ses réalisations.
Une foule de bugs, pas tous corrigés
Avec Assassin's Creed Unity, le même schéma est en train de se reproduire. Non pas à cause d'un quelconque fichier de configuration « spécial E3 » cette fois, mais tout simplement parce que de très nombreux bugs ont été rencontrés par les joueurs. Arno, le héros de ce nouvel opus est plutôt débrouillard, mais de temps en temps, il reste coincé dans la botte de foin dans laquelle il vient de sauter. Les personnages non-joueurs ne sont pas en reste puisque leur intelligence artificielle les fait parfois marcher sur la tête d'autres passants afin de prendre de la hauteur. D'ailleurs, il leur arrive même de tomber du ciel avant d'aller à l'emplacement qui leur est destiné, ni vu ni connu.
Mais ce sont surtout les bugs graphiques d'Assassin's Creed Unity qui ont fait parler d'eux tant ils sont impressionnants. Dans certains cas, les textures des visages des personnages peuvent disparaître lors des cinématiques, ce qui donne des résultats plutôt inattendus, comme on peut le constater sur la capture ci-dessous. Des bugs tout simplement inadmissibles sur un titre « AAA » avec un tel budget.

Application compagnon presque obligatoire, micro-paiements
Ajoutez à cela des soucis de stabilité sur consoles et PC, des problèmes liés directement à Uplay rendant compliquée la liaison entre le jeu et l'application compagnon sur mobile. Rajoutez une dernière couche avec le reste de la liste des « Problèmes connus » recensés sur les forums d'Ubisoft, et vous comprendrez pourquoi une bonne partie des joueurs est furieuse à l'idée d'avoir dépensé plus de 50 euros pour ce jeu, tandis que les sites spécialisés n'ont pas été aussi tendres que précédemment avec la franchise.
Et les bugs techniques ne sont pas le seul reproche fait au titre d'Ubisoft. Ses mécaniques sont elles aussi vivement critiquées, notamment pour leur aspect trop commercial. Par exemple, si vous trouvez par hasard un certain type de coffre, vous ne pourrez pas tout de suite en obtenir le contenu. Pour cela il vous faudra attraper votre smartphone ou votre tablette et lancer une application compagnon, ce qui est plutôt pénible. Car si l'existence de plus en plus courante de ce genre d'outils est une bonne chose, lorsque cela répond à une certaine logique et que l'usage est volontaire, les rendre obligatoires pour une raison franchement douteuse, n'est par contre pas acceptable.
Surtout qu'il faut que votre terminal soit compatible. La liste des appareils supportés est assez longue, mais elle ne comporte pas tous les modèles du marché. Vous avez un Lumia 635 ou 930 ? Dommage, l'application est bien disponible sur le Windows Phone Store, mais ils ne sont pas dans la liste. Sous Android, votre Moto G fera l'affaire si, et seulement si, vous avez le modèle de première génération et sans 4G. Et si vous avez opté pour un modèle un brin plus exotique, comme un Alcatel, un Archos ou un Wiko, Ubisoft n'assurera aucun suivi. Ne parlons même pas de BlackBerry ou Firefox OS.
Des micro-transactions sont également de la partie. Elles sont complètement optionnelles, mais bien présentes. Vous pourrez ainsi vous offrir une épée flambant neuve pour une dizaine d'euros, tandis que des boosts temporaires de compétences sont également proposés. Ainsi pour un peu moins d'un euro, vous pourrez vous rendre plus difficilement détectable pendant trois minutes, de quoi grandement faciliter un assassinat en pleine rue.
Si la pratique est assez mal vue par une frange des joueurs, Ubisoft pourra rétorquer ce qu'il a déjà dit il y a quelques mois : qu'elle existe parce que les joueurs ont plus d'argent à consacrer à leur passion, que de temps libre. L'éditeur n'est bien entendu pas le seul à utiliser ce genre de procédés pour arrondir ses fins de mois, mais il s'agit pour certains de la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Des correctifs sont heureusement en cours de déploiement
Fort heureusement, l'éditeur n'est pas resté sourd aux reproches faits à son jeu, et compte bien rectifier le tir. Il a ainsi déjà déployé plusieurs mises à jour afin de palier au plus urgent, c'est à dire tout ce qui touche à la stabilité même du titre, tandis que d'autres sont attendues pour corriger divers bugs plus ou moins gênants, mais sans qu'aucune date précise n'ait été donnée.
L'éditeur promet également de s'attarder sur les soucis de performances rencontrés sur PC et assure avoir déjà fait le nécessaire pour remédier à certains cas, notamment en améliorant la gestion des threads afin d'éviter les chutes de performances parfois rencontrées.
Un péché par gourmandise ?
Mais la question qui se pose désormais est de savoir comment un jeu qui rencontre autant de problèmes peut être mis sur le marché. L'une des explications les plus évidentes à ce fiasco est à chercher du côté de l'organisation de l'éditeur, et de son calendrier de sorties. Le même jour, Ubisoft a lancé deux épisodes différents d'Assassin's Creed (Unity et Rogue), chacun visant des plateformes différentes.
Lancer un seul jeu, avec le même niveau d'ambition qu'AC Unity demande déjà énormément de ressources. Des ressources dont Ubisoft dispose certainement puisque l'éditeur français est celui qui compte le plus grand nombre d'employés au monde dans son secteur, devant, excusez du peu, Electronic Arts et Activision, avec plus de 9 200 personnes, dont 7 800 développeurs. Mais quand il est question de lancer simultanément deux titres de cette ampleur, on peut assez facilement imaginer que les délais à tenir ont dû être plus que serrés.
Comme pour Watch_Dogs, tout ce qu'il manquait à Assassin's Creed Unity n'était peut-être qu'un peu de temps, pour retoucher ce qui devait l'être et supprimer du paysage des bugs aussi ridicules que celui concernant les textures des visages. Mais voilà. Ubisoft avait déjà décalé le lancement du jeu de deux semaines afin de produire « de gros efforts » pour le peaufiner. Des efforts qu'il aurait certainement été bon de poursuivre encore quelques temps. Mais cela serait revenu à louper la sacro-sainte période des fêtes de fin d'année. Il fallait donc lancer le titre. À n'importe quel prix ?
Des conséquences sur tous les plans, y compris en bourse
Forcément, ces nombreux couacs ont eu pour première conséquence de plomber assez lourdement le score du jeu sur Metacritic. Dans un univers où la note de 7/10 correspond à la moyenne, quelques sites n'ont pas hésité à dégainer leurs 6,5/10, 2,5/5 ou même 2/5 pour pénaliser le jeu, ce qui se traduit par des moyennes de 76/100 et 73/100 sur PS4 et Xbox One, alors que le volet précédent culminait à 88/100 sur PS3 ou 84/100 sur PC. Les joueurs, sont quant à eux moins mesurés dans leurs critiques, avec 4,4/10 sur PS4, 3,4/10 sur Xbox One et même un cinglant 2,1/10 sur PC. Ce dernier score est d'autant plus mauvais, que même Sim City n'est actuellement pas tombé aussi bas, malgré un lancement catastrophique.
L'image de l'éditeur s'en est également ressentie de manière plus générale, Forbes allant jusqu'à publier un billet au vitriol à l'encontre d'Ubisoft, dont le titre résume à lui seul l'ampleur des dégâts : « Félicitations Ubisoft, vous êtes devenu le nouvel EA ». Quand on connait la réputation que traîne ce dernier, nommé par deux fois « Pire entreprise américaine de l'année », devant des ténors comme Comcast, Verizon, ou Goldman & Sachs, on comprend que le but était d'appuyer là où ça fait mal, et de viser la carotide.
Les répercussions se sont du coup ressenties aussi sur le plan boursier. Sur le graphe ci-dessus, on peut observer une hausse assez forte à la fin du mois d'octobre, correspondant à l'annonce des résultats trimestriels de l'éditeur. Les 11 et 12 novembre, ce qui correspond à la date de sortie des premiers tests d'Assassin's Creed Unity, on peut observer à la fois une baisse assez brutale, et une forte hausse du volume d'échange, signe que les marchés n'ont pas réagi favorablement à la nouvelle.
Pour autant, Yves Guillemot, le PDG d'Ubisoft, peut désormais souffler. Depuis, les choses se sont stabilisées aux alentours de 14 euros, soit un peu plus que la valeur antérieure à la présentation de ses résultats. Mais les blessures portées à l'image de la franchise et à l'entreprise ne se refermeront probablement pas rapidement.
Pour autant, sachant que même EA est parvenu à se racheter une image en l'espace de quelques mois, à grands renforts d'EA Access et de jeux gratuits sur Origin, en tant que « Nouvel EA », l'éditeur français pourrait bien y arriver aussi. Mais pour cela, il lui faudra sans doute lancer sa propre révolution et peut être réduire le rythme. Il n'y a plus qu'à.