Le ministère de la Culture a lancé le 7 novembre dernier un appel d’offres pour acquérir jusqu’à 300 licences Microsoft Office. Passé par le secrétariat général, et spécialement à la sous-direction des systèmes d’information, ce marché est certes modeste, mais il soulève néanmoins quelques questions.
Le document (.doc) programme l’achat d’un minimum de « 100 licences Office Famille et Entreprise comprenant Word, Excel, Powerpoint & Outlook » d'ici fin 2014, auquel s’ajoute une deuxième fournée de 200 licences identiques pour la fin 2015.
Un marché sans possibilité d'équivalence
Problème : cet appel d’offres ne laisse aucune porte ouverte aux autres solutions, et spécialement LibreOffice ou Apache OpenOffice, les deux branches actuelles d’OpenOffice.org. L’article 6 IV du Code des marchés publics indique pourtant que ces achats ne peuvent pas faire référence à « une marque » (notamment) « dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits ». À titre exceptionnel, le même article admet la mention d’une marque quand « une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle ». Seulement, dans ce cas, il faut accompagner cette référence des termes « ou équivalent », qui font défaut ici.
En off, des contraintes techniques
Contactée lundi et plusieurs fois relancée sur ce petit marché, la Rue de Valois n’a toujours pas répondu à nos questions. Selon nos informations, la suite LibreOffice est en tout cas installée par défaut sur tous les postes du ministère. Alors pourquoi un tel marché ? En coulisse, une source interne nous précise que la suite Microsoft serait la seule à pouvoir répondre à certaines « contraintes techniques ». « Nous sommes déjà équipés de LibreOffice » confirme notre contact qui n’a pas su cependant nous décrire les écueils obligeant cette option en faveur de l’éditeur américain.
Quand on revient sur l’article 6 IV, interprété cette fois a contrario, la mention d’une marque peut être autorisée si elle n’a pas « pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits ». Si MS Office est donc la seule suite à prévoir telle ou telle fonctionnalité impérieuse pour le ministère, il n’y a pas d’élimination des concurrents, à supposer toutefois que ces tiers soient dans l’incapacité de s’adapter… Seulement, l’appel d’offres est tout aussi silencieux sur ces fameuses contraintes techniques, rendant délicates les chances d'adaptation concurrentielles.
D'Ayrault à Morin-Desailly
Rappelons qu’en septembre 2012, la circulaire de Jean-Marc Ayrault avait élaboré des « orientations pour l'usage des logiciels libres dans l'administration ». Le Premier ministre d’alors vantait les mérites de ces solutions pour leur « moindre coût », leur « souplesse d'utilisation » ainsi que leur levier de discussion avec les éditeurs. Dans un rapport parlementaire publié en juin 2014, la sénatrice Catherine Morin-Desailly a jugé possible qu’au niveau de l’État, soit imposée « une préférence pour les logiciels libres dans les procédures d’appel d’offre des achats publics ». Elle a d'ailleurs estimé nécessaire de « favoriser une migration progressive d’une partie croissante [du parc informatique de l’administration] vers les logiciels libres. »