Comme nous l'avons détaillé hier, le module Philae de la sonde Rosetta a envoyé de nombreuses données à la Terre, mais certains instruments de mesure n'avaient pas été mis en marche. Les scientifiques ont finalement décidé de tenter l'expérience du forage, avec succès. Après une ultime manœuvre, Philae est désormais en hibernation sur la comète. Retour sur une soirée agitée et riche en informations.
80 % de la mission était déjà faite hier soir, avec en plus un bonus inattendu
Hier, à 18h30 précise, Marc Pircher, directeur du Centre Spatial de Toulouse, ainsi que Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta/Philae au CNES, étaient de retour pour une nouvelle conférence de presse afin de refaire un point de la situation. Pour le premier, « 80 % de la science a été faite et les données ont été traitées et fournies à la communauté scientifique » et il indique également que « la période très dense et critique de la mission est terminée ».
Si la moisson est faite, il ajoute que les ingénieurs qui travaillent sur Philae « prennent plus de temps à programmer intelligemment ce qu'il reste à faire plutôt que d'analyser les données ». Un point logique étant donné que ses réserves d'énergies sont très limitées, il est donc important d'optimiser le peu de temps restant afin de bien sélectionner les mesures qui seront effectuées.
Le directeur du centre spatial revient sur le « vol plané » de Philae entre deux rebonds (voir notre précédente actualité) en indiquant que de nombreuses données ont été relevées à ce moment-là, et que ce n'était « pas du tout attendu ». Même si cela a évidemment compliqué la mission, d'un certain point de vue cela pourrait être bénéfique. En effet, les rebonds ont soulevé de la poussière spatiale qui a pu être analysée, au moins en partie, et Philae a effectué des relevés lors d'un déplacement de plus d'un kilomètre sur la comète, ce qui n'était pas du tout prévu. Marc Pircher va même jusqu'à comparer l'atterrisseur à un « rover », ce qui semble tout de même un brin excessif. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'un bonus pour les scientifiques, qui n'est pas compris dans les 80 % des données récoltées.
Problème technique du côté de la Cité de l'espace : le son ne commence qu'à 1:15
Feu vert pour MUPUS et APSX : le forage commence bien et... coupure de la liaison
Philippe Gaudon prend alors le relais afin d'évoquer le cas des instruments de mesure, et principalement de MUPUS et d'APXS. Pour rappel, ils avaient été mis en pause pendant un temps, avant de finalement être activés vendredi après-midi. Mais les nouvelles sont mitigées : « avec le marteau piqueur qu'on a déployé cette nuit, on va pouvoir connaitre la dureté du sol. Ce marteau piqueur a vibré, s'est enfoncé dans le sol et, suivant la profondeur atteinte, on va déterminer exactement la dureté du sol et la densité en fonction de la température ».
Pour ce qui est d'APXS « pour le moment, c'est le seul instrument qui est un peu inquiétant ». En effet, selon le chef de projet il semblerait que son volet de protection ne se soit pas ouvert correctement, ce qui implique que les données ne seraient donc pas exploitables. Selon les premières analyses, il serait en effet question de titane et de cuivre, ce qui est très peu probable sur la comète.
Les deux dirigeants sont ensuite revenus sur le forage qui a été lancé hier après-midi : « on a vu (dans les données reçues) le début du fonctionnement de la foreuse. On a vu la mèche descendre de 25 cm depuis la plate-forme. Le mécanisme a donc fonctionné, mais, malheureusement, nous avons perdu la liaison et nous n'avons plus de données concernant la foreuse ». Hier soir à partir de 23h30, et après plusieurs heures de coupure, la communication était rétablie avec un rapatriement des données télémétriques et scientifiques.
... de retour à 23h30 avec une bonne nouvelle : l'opération est un succès
La bonne nouvelle, c'est que le forage a visiblement pu être correctement mené à son terme durant la phase de silence radio. Là encore, les résultats ne sont pas encore connus, mais le compte Twitter du sous-système de collecte d'échantillon SD2 semble particulièrement content, ce qui laisse espérer des retombées intéressantes : « après avoir analysé toutes les données du premier échantillon, nous pouvons confirmer que tous les mouvements ont été effectués correctement !!! ». Même son de cloche à la Cité de l'espace :
La télémétrie montre que la foreuse de @Philae2014 a fonctionné : on a foré sur une comète ! pic.twitter.com/xq0OfG6Cv8
— Cité de l'espace (@CiteEspace) 14 Novembre 2014
Peu après, le module a entamé une opération relativement inattendue, mais qui pourrait se révéler bien utile : une rotation de 35 degrés afin d'optimiser au mieux la position de ses panneaux solaires. Il faut dire que ce point sera crucial pour les mois qui viennent. En effet, sans énergie, il sera impossible de continuer à activer les instruments embarqués et de récupérer des données scientifiques. Là encore, via son compte Twitter, le module indique que cette opération est une réussite et qu'il voit désormais « une toute nouvelle comète sous cet angle ». À l'heure actuelle, aucune photo ne semble par contre avoir été dévoilée.
00h36 : Philae se sent fatigué, mais lance encore plusieurs analyses
Toutes ces opérations (dont le forage) combinées aux précédentes mesures, ont logiquement bien usé la batterie de Philae et, à 00h36 samedi matin, Philae annonce via son compte Twitter qu'il se « sent fatigué » et que « la tension de sa batterie est en train d'approcher rapidement de la limite ». Une fois ce seuil atteint, le module se mettra automatiquement en veille indique le chef de projet Philippe Gaudon.
So much hard work.. getting tired... my battery voltage is approaching the limit soon now pic.twitter.com/GHl4B8NPzm
— Philae Lander (@Philae2014) 14 Novembre 2014
Mais avant que cela ne se produise, plusieurs séries de tests ont été lancées une dernière fois : Ptolemy, un analyseur de gaz évolué, la caméra CCD miniature ROLIS ainsi que Consert pour les relevés tomographique. Ces derniers devraient se dérouler jusqu'à ce que la batterie soit vide. Notez que tous les détails des instruments à bord de Philae se trouvent par ici.
1h46 : extinction des feux, Philae entre en hibernation... pour le moment
À 1h28 précisément, l'ESA indique que « Philae est passé en "stand by" par manque d'énergie. Tous les instruments sont éteints. Le lien de communication reste actif ». Après avoir transmis un nouveau lot de données à Rosetta, ce dernier coupe finalement les communications à 1h46 du matin et entre en hibernation. Le module attend désormais que l'ensoleillement sur ses panneaux soit suffisant afin de recharger ses batteries, se réchauffer et relancer des analyses. Sur Terre, les scientifiques cherchent désormais à déterminer exactement la position de Philae ainsi que les niveaux d'ensoleillement auxquels il sera soumis au cours des prochains mois.
Philippe Gaudon précise que si le premier réveil se réalise (d'ici une durée indéterminée pour le moment), il y a de bonnes chances pour que Philae enchaine ensuite plusieurs cycles avec un certain nombre de jours de chargement des batteries puis d'heures de fonctionnement, sans plus de détails pour le moment.
Sur le site d'atterrissage initial et avec un ensoleillement optimal, il était question d'un ratio de 4 jours pour 10 heures respectivement, mais il est actuellement impossible à dire ce qu'il en est pour le site où l'atterrisseur s'est finalement posé. Des éléments de réponse devraient être dévoilés d'ici une à deux semaines précise enfin Philippe Gaudon. Quoi qu'il en soit, les scientifiques peuvent désormais commencer à analyser toutes les données et des publications devraient suivre dans les semaines et mois qui viennent.