Afin de permettre à la filière musicale de mieux faire face à la crise du disque, le gouvernement entend prolonger de trois ans le crédit d’impôt dont profitent depuis presque dix ans les producteurs. Les professionnels éligibles verraient ainsi le dispositif fonctionner jusqu’à la fin 2018, selon des modalités qui seraient d'ailleurs assouplies. Le coût de la mesure est estimé à 13 millions d’euros annuels.
Présenté hier en Conseil des ministres, le projet de loi de finances rectificatives pour 2014 contient certaines dispositions qui sont passées plutôt inaperçues. Exemple : son article 23 vise à étendre le périmètre et la portée du « crédit d’impôt en faveur de la production phonographique ». Derrière ces termes qui peuvent paraître un peu barbares, se cache un dispositif fiscal en vigueur depuis 2006 (adopté via la loi DADVSI) et qui consiste à donner un coup de pouce financier aux producteurs de disques ayant engagé des dépenses pour la production, le développement ou la numérisation d'un album studio ou live – éventuellement sous forme de DVD.
Ce crédit d’impôt s’élève en principe à 20 % du montant total des dépenses éligibles – voire 30 % pour les petites et moyennes entreprises – dans la limite de 800 000 euros par an et par bénéficiaire. Il n’est cependant versé qu’à certaines conditions. Il faut notamment que les albums en question soient ceux « de nouveaux talents » (avec moins de 100 000 ventes pour deux albums précédents).
Vers une prolongation de trois années
Seulement voilà. Le dispositif, qui avait déjà été prolongé dans le passé, était censé expirer au 31 décembre 2015. Mais compte tenu du « contexte de crise » frappant actuellement la filière musicale, le gouvernement a décidé de proroger de trois ans le fameux crédit d’impôt en faveur des producteurs. C’est en tout cas ce qui est proposé au travers du projet de loi de finances rectificatives, lequel prévoit une application du dispositif jusqu’au 31 décembre 2018, outre divers assouplissements.
Par exemple, alors qu’il fallait auparavant que l’entreprise bénéficiaire existe depuis au moins trois ans, un an suffira désormais. C'est très exactement ce qu'avait souhaité Franck Riester dans un précédent amendement, rejeté en 2010. Le montant maximal du crédit d’impôt est également augmenté de manière considérable, puisqu’il passe de 800 000 à 1,1 million d’euros par an (soit une hausse de près de 40 %). Davantage de dépenses seront par ailleurs éligibles. Par contre, chaque bénéficiaire ne pourra obtenir davantage que 15 % du montant total des dépenses engagées, sauf s’il s’agit d’une petite ou moyenne entreprise.
Une enveloppe de 13 millions d’euros par an
Le coût estimé de ce coup de pouce ? 13 millions d’euros par an, soit 2 millions de plus que ce qui est prévu pour 2014. « La prorogation du dispositif apparaît indispensable afin de sécuriser sur le moyen terme les investissements des producteurs phonographiques et les emplois, se justifie le gouvernement. Dans cette période de transition numérique, les entreprises ont en effet besoin de visibilité pour pouvoir engager des investissements liés à la production d'albums : quand il signe un artiste, un producteur s’engage en général pour produire deux albums. »
L’exécutif espère néanmoins pouvoir revoir la couleur de cet argent public, notamment sous forme de TVA. Son projet de loi retient en effet que le coût du crédit d’impôt « pourra être compensé par le développement des investissements des entreprises et le recours à l'achat de services (location de studio,...) et au développement de la consommation de musique enregistrée (CD, téléchargements et streaming) donc par des recettes supplémentaires de TVA ». Aucun chiffrage précis n’est cependant mentionné.
Une question reste d’ailleurs en suspend : ce crédit d’impôt a-t-il été efficace jusqu’ici ? Selon le gouvernement, il « a permis de réduire la mortalité des entreprises et de préserver des emplois dans des entreprises de production phonographiques, non seulement impactées par la crise économique générale mais aussi par la mutation numérique ». Au-delà de cette vague affirmation, l’exécutif n’en dit guère plus, si ce n’est que compte tenu du contexte actuel, « l’arrêt de la mesure au 31 décembre 2015 engendrerait des dommages importants sur les entreprises, et en particulier les PME et TPE du secteur ».
Si le Parlement adopte ces dispositions en l’état, il faudra encore que le texte franchisse une étape : la validation du dispositif par la Commission européenne, qui se penchera en particulier sur sa conformité avec la législation européenne en matière d’aides d'État.