Un consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ ou International Consortium of Investigative Journalists) associés à plusieurs médias a épinglé la stratégie fiscale du Luxembourg. Dans la synthèse de 28 000 documents fiscaux épluchés, ces 80 journalistes ont révélé les prouesses fiscales de plusieurs grandes entreprises notamment du secteur des nouvelles technologies.
Selon l’ICS, le taux d’imposition effectif s’est parfois effondré à moins de 1 %, loin des 29 % normalement pratiqués dans le Grand-Duché. Les acteurs conservent ainsi dans leurs poches ce qu’ils auraient normalement dû payer localement, là où les bénéfices ont été engrangés. En tout, quelques 340 entreprises comme Pepsi ou Ikea ont profité de ces accords entre 2002 et 2010. Sur une page dédiée à ce « LuxLeaks », on peut aussi scruter une partie de ces accords passés avec plusieurs géants américains, dont Amazon, Apple, Verizon. Sur celle-ci, les journalistes en question ont répertorié l’ensemble des entreprises liées aux nouvelles technologies.
Tax Rulings
Le secret ? Des accords fiscaux passés entre ces entreprises et l’administration fiscale luxembourgeoise. Il s’agit de décisions anticipatives (ou tax rulings) par lesquelles les services fiscaux fournissent des explications sur les modalités du calcul de l’impôt au regard des projets de montage entre filiales d’un même groupe. Une parfaite occasion pour négocier au rabais la note finale. Une pratique légale qui fonctionne à merveille.
Selon le Monde, qui a participé à cette enquête, « ces accords proviennent tous du grand cabinet de conseil et d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Ils ne concernent donc que les entreprises clientes de PwC ». Le cabinet d'audit en question a d'ailleurs publié une lettre en réponse à l'ICS pour souligner que ces informations étaient périmées, pointant dans le même temps la probable origine illicite de ces documents. Quoi qu'il en soit, il ne s’agit donc que d’une partie du phénomène. Toujours chez nos confrères, le ministre des finances luxembourgeois, Pierre Gramegna considère en tout cas que cette «pratique des tax rulings fait partie [du] patrimoine [du Grand-Duché ] et nous voulons la perpétuer dans le respect des règles ». D’après lui, « le maintien d’une certaine compétitivité, loyale, entre les États dans le domaine fiscal est indispensable. »
Du côté de la Commission européenne
Quoique a priori légales, ces stratégies d’optimisation fiscale agacent. L’OCDE essaye pour sa part d’y mettre un terme. L'Australie a décidé de se pencher sur cette problématique. De son côté, la Commission européenne a lancé une série d’enquêtes, mais de plus faible envergure. Outre l’Irlande avec Apple, elle s’est récemment intéressée au Luxembourg en se focalisant notamment sur le cas d’Amazon.
Elle soupçonne en effet que ces accords cachent en réalité des aides d’État, ce qui est le cas s’ils sont utilisés « pour conférer des avantages sélectifs à une entreprise ou à un groupe d’entreprises déterminées. En effet, les prix des transactions intragroupes doivent être correctement estimés sur la base des prix du marché. Si ce n’est pas le cas, des groupes d'entreprises pourraient disposer de la possibilité de réduire exagérément leur bénéfice imposable, tandis que d'autres entreprises qui achètent et vendent des biens ou des services sur le marché plutôt qu’au sein d'un groupe seraient désavantagées. Ceci peut constituer une aide d’État au sens des règles de l’UE ».
Pour Amazon, indique la Commission européenne, le géant américain a profité d’un tax ruling avec le Luxembourg avec de beaux effets : « Amazon EU Sàrl paie une redevance fiscalement déductible à une société en commandite simple qui est établie au Luxembourg sans y être assujettie à l’impôt sur les sociétés. Par conséquent, la plupart des bénéfices européens d’Amazon sont enregistrés au Luxembourg, mais n'y sont pas imposés. »