Les députés maintiennent le budget de la Hadopi à 6 millions d’euros

Le beurre et l'argent de Fleur
Droit 6 min
Les députés maintiennent le budget de la Hadopi à 6 millions d’euros

Sans grande surprise, l’Assemblée nationale s’est rangée derrière le gouvernement. Hier, les députés ont ainsi refusé d’augmenter le budget de la Hadopi, lequel devrait donc rester à six millions d’euros l'année prochaine, sous réserve de confirmation au Sénat. Inflexible, la ministre de la Culture Fleur Pellerin a fait valoir que l’institution avait suffisamment d’économies de côté.

Les discussions sur le budget de la Hadopi pour 2015 ont repris de plus belle hier, dans l’hémicycle (voir les comptes-rendus). Pour rappel, le gouvernement a proposé au début du mois d’allouer six millions d’euros à l’institution, c’est-à-dire exactement la même somme que pour cette année. Problème : la Haute autorité puisait jusqu’ici dans des économies passées, lesquelles se sont amenuisées au fil du temps.

 

Du coup, la Rue du Texel a clairement fait savoir que cette enveloppe était insuffisante pour assurer l’ensemble de ses missions, et qu’un quart de ses effectifs (15 emplois) risquait de disparaître. Le ministère de la Culture était au passage accusé de contraindre budgétairement la Hadopi à se concentrer sur la seule riposte graduée, au détriment de ses deux autres missions - d'encouragement à l'offre légale et de régulation des mesures techniques de protection (DRM).

 

Sur un plan politique, plusieurs élus de l’opposition étaient montés au créneau. Hier, ils ont de nouveau fait entendre leur voix auprès de Fleur Pellerin, présente dans l’hémicycle. La députée Virginie Duby-Muller a ainsi parlé d’un véritable « budget d’étranglement », lequel « illustre la stratégie de contournement du gouvernement, qui continue de porter des coups bas à la haute autorité sans assumer de position claire ». Son collègue Lionel Tardy, lui aussi UMP, a réitéré son souhait de voir respectées l’ensemble des missions confiées par la loi à la Hadopi. Tout en rappelant qu’il avait voté contre la loi Création et Internet en 2009, « convaincu de l’inefficacité de la riposte graduée », le parlementaire a regretté hier que cette subvention de six millions d’euros ne conduise l’institution à « se recentrer quasi exclusivement sur la riposte graduée, alors que ses travaux en matière de promotion et de recherche de l’offre légale [lui] paraissent bien plus utiles ».

 

De leur côté, les Verts ont fait savoir par la voix de Barbara Pompili qu’une « révision » des missions de la Hadopi s’imposait. « La suppression de la riposte graduée se fait d’autant plus attendre qu’elle n’a aucun effet pédagogique sur les internautes. Elle a en outre contribué au départ de sites de pair à pair vertueux au bénéfice de réseaux mafieux » a ainsi affirmé la députée EELV.

Pas de rallonge budgétaire pour la Hadopi

Mais les socialistes n’ont pas cédé aux différentes interpellations. « Les fonds propres de l’Hadopi atteindront, à la fin de l’année 2014, 3,1 millions d’euros, ce qui devrait permettre à la haute autorité de trouver en 2015 les moyens de son fonctionnement, dans les missions qui sont les siennes actuellement » a ainsi fait valoir, à titre personnel, le rapporteur spécial de la Commission des finances, Jean-Marie Beffara. Le député a ajouté qu’il souhaitait que « l’année 2015 soit l’occasion de rediscuter de la part accordée à chacune des missions de l’Hadopi, dans les exercices à venir ».  

 

Des explications auxquelles la ministre de la Culture a affirmé souscrire « entièrement ». Fleur Pellerin a donc refusé de lâcher un centime supplémentaire à la Haute autorité. « Le budget 2014 avait certes nécessité un prélèvement de 2 millions d’euros dans les réserves de la Haute autorité, mais ce fonds de roulement ne sera pas asséché à la fin de l’année 2014. Par conséquent, le budget 2015 de l’Hadopi pourra être construit avec un nouveau prélèvement et un pilotage budgétaire fin de la part de la haute autorité. »

 

Autrement dit, à la Rue du Texel de se débrouiller pour bien gérer les deniers publics qui lui sont accordés et à piocher dans le reste de ses économies – suffisantes au moins pour 2015 selon le gouvernement. La ministre de la Culture a cependant fait une petite concession... Comme nous l’expliquions hier, la présidente de la Hadopi estime que les dispositions budgétaires concernant la Haute autorité ne sont pas « sincères ». Un point bien précis pose problème : le fait que l’État ne verse l’argent qu’en cours d’année, avec le risque que les caisses soient vides d’ici là. « Quand la ressource se raréfie, le ministère doit mieux gérer, et j’ai indiqué aux équipes de direction de l’Hadopi que j’anticiperais le versement de cette subvention car il s’agit là d’une mesure d’accompagnement légitime » a ainsi concédé Fleur Pellerin hier.

 

La ministre s’est par conséquent opposée à l’amendement d’appel déposé notamment par Virginie Duby-Muller et Franck Riester, lequel visait à accorder 1,5 million d’euros supplémentaires à la Hadopi.

Pas non plus de ponction dans la cagnotte de la copie privée

Un autre amendement a été examiné hier, toujours dans le but d’augmenter l’enveloppe attribuée à la Hadopi. Le député Lionel Tardy (UMP) avait en effet proposé d’allouer 1 % de la redevance pour copie privée au budget de la Haute autorité. « Puisque vous ne souhaitez pas augmenter la subvention [de la Hadopi], comme vous l’ont proposé mes collègues, je vous suggère une autre solution, sans aucun coût pour l’État : utiliser la rémunération pour copie privée (...). Les ayants droit ont soutenu la création de l’Hadopi et je ne doute pas qu’ils soient attachés aux missions que j’ai évoquées » a ainsi défendu le parlementaire, pas peu fier de son idée. Lionel Tardy a au passage souligné qu’il s’agirait d’une contribution « très légère », « dans la logique de l’existence de la RCP », et qui pourrait dégager 1,7 million d’euros par an.

 

Mais Fleur Pellerin s’y est montrée défavorable : « Votre amendement, monsieur Tardy, conduirait à priver les ayants droit d’une partie des rémunérations qui leur reviennent de droit conformément au Code de la propriété intellectuelle ». Ce à quoi le député a rétorqué : « Je rappelle que l’Hadopi est née de la volonté des ayants droit, lesquels n’y consacrent pas un euro puisque son coût est intégralement à la charge de l’État, et donc des Français. D’autre part, un quart du produit de la redevance pour copie privée sert à financer des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. Il ne me semble donc pas illogique qu’elle serve également à financer des actions d’aide à la promotion de l’offre légale. »

 

Mis aux votes, l’amendement de Lionel Tardy a été rejeté.

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Lionel Tardy - Crédits : Assemblée nationale

Il faudra désormais que l’Assemblée nationale vote le projet de loi de finances dans son ensemble, avant que le texte ne soit transmis au Sénat. Mais si Fleur Pellerin avait laissé entendre qu’elle pourrait assouplir sa position sur le budget de la Haute autorité, celle-ci est désormais claire : « Nous considérons que les crédits accordés cette année à l’Hadopi lui permettront de fonctionner en recourant notamment à des prélèvements sur son fonds de roulement dont le niveau demeure suffisamment élevé pour ne pas remettre en cause la viabilité de l’institution » a-t-elle bien insisté hier.

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