Après une procédure de plusieurs mois, Activision vient d'obtenir raison auprès de la Cour supérieure de Los Angeles au sujet de son différend avec l'ex-dictateur Manuel Noriega. Celui-ci estimait que l'éditeur avait utilisé son image à des fins commerciales, sans avoir obtenu son accord.
En juillet dernier, Manuel Noriega faisait parler de lui depuis le fond de sa cellule en lançant une procédure à l'encontre d'Activision Publishing. L'ancien dictateur de Panama estimait en effet que l'éditeur avait fait usage sans son autorisation de son image dans Call of Duty Black : Ops II, un jeu vidéo ayant réalisé un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars en l'espace de quatorze jours de commercialisation.
Effectivement, le dictateur est bien représenté à deux occasions au cours de la campagne solo du jeu, puisque le scénario décrit les relations ambigües qu'entretenait Manuel Noriega avec la CIA lorsqu'il était à la tête du Panama. Son nom est clairement affiché à l'écran, tandis que son avatar ressemble fortement à la réalité.
Il réclamait du coup « des dommages et intérêts à la hauteur du préjudice subi », ce qui au vu des scores de vente du jeu, aurait représenté un gros pactole en cas de victoire.
Une plainte jugée absurde par Activision
Activision aura attendu deux mois avant de réagir publiquement, par la voix de son avocat, Rudolph Giuliani, ancien maire de New-York. L'éditeur avait alors répondu avec virulence aux attaques portées par le dictateur : « Ce qui est étonnant, c'est que Manuel Noriega, un dictateur notoire qui est en prison pour les crimes odieux qu'il a commis, est contrarié parce qu'il a été dépeint comme un ennemi d'État dans le jeu Call of Duty. Pour faire simple, c'est absurde », clamait ainsi l'avocat d'Activision.
L'éditeur était d'ailleurs allé encore plus loin en se lançant dans une argumentation « ad hominem » « Je n'ai pas envie de donner des documents à une personne condamnée pour meurtre et trafic de drogue, comme Manuel Noriega, qui réclame de l'argent à Activision et à sa franchise Call of Duty, parce qu'ils exercent leur droit à la liberté d'expression. L'attaque de Noriega sur les droits de Call of Duty n'est pas une surprise, considérant le fait qu'il est un tyran sans foi ni loi qui a piétiné les droits de son propre peuple ». L'ambiance du procès promettait donc d'être électrique.
Si l'on exclut ces quelques coups portés sous la ceinture, la défense d'Activision reposait sur un principe simple : Call of Duty : Black Ops II ne cherche pas à dépeindre la réalité, il ne s'agit que d'« une description créative [du rôle de Noriega] dans des faits historiques d'intérêt public », que le dictateur cherche à censurer. Or il s'agit d'une démarche culturelle très largement répandue. L'éditeur avait d'ailleurs joint au dossier une liste de plusieurs dizaines de films célèbres reposant sur ce principe, comme Forrest Gump et Inglorious Basterds.
L'avocat d'Activision estimait en outre qu'une décision en la faveur de Noriega serait de nature à remettre en doute la possibilité de réaliser ce type d'œuvre. Selon lui, n'importe quelle figure historique, qu'il s'agisse d'un chef d'Etat ou de toute autre personne influente pourrait alors saisir la justice si une fiction le dépeignait de façon peu favorable.
And the winner is...
Finalement, les industries culturelles américaines peuvent souffler, puisque la Cour supérieur de Los Angeles et le juge William H. Fahey ont tranché en faveur d'Activision dans cette affaire. « La simple allégation du paragraphe VI(2) de la plainte, à savoir "la défense a déçu et semé la confusion dans le public en le laissant croire que le plaignant a autorisé, approuvé et soutenu l'utilisation de son nom et de sa ressemblance dans Black Ops II" est insuffisante. Dans une poursuite-bâillon, le plaignant est tenu de fournir des preuves admissibles démontrant un préjudice probable. Le plaignant n'a fourni aucune preuve de cela et son action doit être déboutée », peut-on ainsi lire dans le compte-rendu du tribunal.
Bien évidemment, Activision se félicite déjà du résultat, en expliquant que « ce jugement est une victoire importante et nous voulons remercier la cour d'avoir protégé la liberté d'expression. C'était une procédure absurde depuis le départ et nous sommes satisfaits qu'à la fin un criminel notoire ne gagne pas. Ce n'est pas qu'une victoire pour les créateurs de Call of Duty, c'est une victoire pour les œuvres et les industries du divertissement à travers le monde ».