Alain Vidalies, le ministre délégué en charge des relations avec le Parlement, vient de soulever la question des effets de l’initiative NosDéputés, ce site qui établit depuis trois ans un travail de veille, d’archivage et de classement des députés en pointant leur activité parlementaire et donc leur assiduité dans l’hémicycle. Pour lui, ce site a « des effets dangereux voire pernicieux sur le travail parlementaire », du fait de son approche quantitative qui pousse les élus à user de techniques peu favorables au bon fonctionnement des institutions parlementaires, dans l'unique but de monter dans le classement de NosDéputés.
Samedi, lors de l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, le ministre chargé des relations avec le Parlement s’est exprimé sur les effets d’Internet vis à vis du travail de nos députés. Pour Alain Vidalies, « La fonction parlementaire n’a pas échappé à l’émergence des réseaux sociaux. Ceux-ci, et plus précisément les réseaux qui scrutent l’activité parlementaire, ont des effets dangereux voire pernicieux sur le travail parlementaire [et cela] dans des proportions qui sont considérables », rapporte Europe 1. Même s’il n’a mentionné personne en particulier, le ministre vise en réalité un site : NosDéputés.fr.
Précisons que selon le Littré, « pernicieux » signifie « Qui cause la mort, la maladie », ou au sens figuré, « Qui cause la ruine, le mal ». Des mots forts, donc, d'autant plus que le ministre a insisté sur la portée « considérable » de ces effets.
Rappelons également que l’initiative NosDéputés réalise, sous la houlette de l’association Regards Citoyens, un travail de fourmis a priori sans malice ou contournement, puisque toutes les informations récoltées sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale ou au Journal Officiel. À partir de ces données publiques, le site propose différentes fiches sur les députés, comportant de nombreuses informations relatives à leur activité parlementaire (participation en commissions ou dans l’hémicycle, questions, amendements, propositions de loi,...), mais aussi des tableaux et graphiques, qui servent notamment pour effectuer des comparaisons.
Les dérives d’une approche quantitative
Pour le ministre, la diffusion d’informations publiques sur Internet aurait donc « des effets dangereux voire pernicieux sur le travail parlementaire ». Mais pourquoi donc ? Selon le cabinet d’Alain Vidalies, c’est à cause de l’approche quantitative du site que sont apparues des dérives : servant de « référence », NosDéputés conduirait les élus à des calculs mathématiques pour grimper dans le classement, au détriment du bon fonctionnement des institutions parlementaires. « Aujourd’hui, en commission, on voit jusqu’à 30 députés qui interviennent les uns après les autres pour défendre exactement la même chose, uniquement pour alimenter leur compteur de présence ! » s'est alarmé le ministre, toujours selon Europe 1.
À noter que nous avons pu interroger Alain Vidalies, et que cette interview fera l’objet d’un article dédié à paraître prochainement.
Une rencontre avec Regards Citoyens dans la semaine
Du côté de NosDéputés, c’est la surprise : « Dans les données qu’on a, on n’a rien trouvé qui démontre des effets massifs sur l’activité parlementaire, comme le dit le ministre » s'étonne Tangui Morlier, co-fondateur de Regards Citoyens. « On a été surpris. On a été en contact avec Alain Vidalies il y a deux ans, lorsqu’il était député. Le dialogue était pas trop mal établit. Là, on ne comprend pas trop en fait... ».
Alain Vidalies aurait-il changé d’avis depuis sa prise de fonction ? « C’est pas non plus très facile de passer de l’opposition à la majorité. Il y a des effets de bords dont on n’est pas forcément conscient lorsqu’on est dans l’opposition » explique Tangui Morlier. « On a toujours entendu dire que l’opposition faisait de l’obstruction, mais ça fait partie du jeu parlementaire de prendre le temps de la discussion, même si à certains moments elle peut paraître stérile ».
Tangui Morlier confie également que ce type de critiques n’est pas nouveau. Seulement, les services du ministre lui ont promis une rencontre la semaine prochaine, ce qui n’avait « jamais été le cas avec la majorité précédente ».