Le conseil de prud’hommes de Saint-Denis, sur l’île de la Réunion, vient de valider le licenciement d’un salarié qui avait traité son patron de « guignol » et de « boulet » sur Facebook. Sa page était accessible aux « amis » et aux « amis des amis ». Elle a donc été considérée comme un espace public.
Les faits litigieux remontent au mois d’août 2012. « Reprise du taf demain matin... J’ai autant envie de voir mon guignol de patron que de me pendre... » lâche Vincent C, sur Facebook, un dimanche soir. Le statut interpelle les « amis » de cet éducateur travaillant à la Réunion, l’intéressé leur répondant dans les commentaires : « Mon taf, en lui-même, c’est cool. Mais mon boss, c’est un boulet, t’imagines même pas ! »
Problème : les termes de « guignol » et « boulet » ne sont guère au goût du responsable de l’association employant Vincent C. Résultat, le salarié est licencié en septembre 2012 pour faute grave, en raison de ces propos jugés dénigrants et injurieux.
Remercié, l’ex-salarié décide toutefois de contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Saint-Denis. Il réfute en effet le caractère dénigrant de ses propos, et considère de surcroît que ceux-ci étaient tenus dans un cadre privé, limité à ses « amis » Facebook.
Une page accessible aux « amis » et « amis des amis »
C’est cependant l’employeur de Vincent C. qui vient d'obtenir gain de cause. La presse régionale rapporte ce matin que les juges ont constaté que ces propos étaient non seulement accessibles aux « amis » du salarié, mais aussi aux « amis de ses amis ». Une qualification qui a eu pour effet de rendre ces échanges publics, et donc répréhensibles.
Se penchant ensuite sur la teneur des mots employés, les magistrats réunionnais ont jugé que ces propos portaient « atteinte à l’honneur et à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est dirigé ». Leur avertissement s’est d’ailleurs voulu clair : « Si Facebook est ce réseau social permettant à tout utilisateur de communiquer et d’échanger, néanmoins, il ne peut être admis que l’éducateur puisse l’utiliser pour déballer et afficher par là même ses ressentis et critiques aussi invraisemblables à l’égard de l’association. » Les juges ont par ailleurs ajouté que « si la liberté d’expression est un droit fondamental au sein de l’entreprise, elle doit cependant s’opérer dans le total respect de l’autre ».
Toujours d’après nos confrères, le conseil de prud’hommes a donc validé le licenciement pour faute grave. L’éducateur a néanmoins obtenu 2 952,92 euros d’indemnités, pour un problème de procédure.
Restera maintenant à voir si cette affaire en reste là. L’année dernière, la Cour de cassation avait affirmé qu’une page Facebook dont l’accès était réservé « aux seules personnes agréées par [son propriétaire], en nombre très restreint », et de telle sorte que ces internautes « formaient une communauté d’intérêts », revêtait un caractère privé. Il serait à cet égard intéressant de voir si une page ouverte aux « amis » et aux « amis des amis » peut rentrer dans ce champ.