Projet de loi sur le terrorisme : la CMP opte pour la logique du pire

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Droit 4 min
Projet de loi sur le terrorisme : la CMP opte pour la logique du pire
Crédits : stokkete/iStock/Thinkstock

Hier, la Commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un accord sur le projet de loi sur le terrorisme. Dans l’arbitrage entre la version de l’Assemblée et celle du Sénat, c’est finalement les dispositions les plus rugueuses qui ont été retenues. Quelques exemples frappants.

Ainsi, dans le texte adopté hier en CMP, le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes sera désormais puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Bye bye donc les différentes modulations qui étaient prévues par les sénateurs ou les députés. D’ailleurs, l’échelle des peines atteindra 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque ces faits auront été commis sur Internet.

L’apologie du terrorisme n’est plus un délit d’opinion

De même, la CMP fait bien sortir de la loi de 1881 tout ce qui concerne l’apologie et la provocation au terrorisme. Il ne s’agira plus d’infractions considérées comme des abus de la liberté d’expression, mais de vraies dispositions pénales avec toute la rigueur procédurale qu’implique ce transfert. Au sénat, Jean-Jacques Hyest et Alain Richard avaient proposé de « n'introduire dans le Code pénal que l'apologie et la provocation au terrorisme utilisant Internet », les autres modes d’expression restant dans la loi de 1881. Cette discrimination a été abandonnée en Commission.

Adieu l’exception des journalistes et des chercheurs

Pareillement, la consultation habituelle de sites (ou la détention de documents) « provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie » sera prise en compte pour déterminer si l’infraction d’entreprise individuelle terroriste est constituée. Cependant, il n’est plus tenu cas de l’exception qu’avait votée l’Assemblée nationale quand ces actes résultent de l'exercice normal d'une profession (journalistes, chercheurs) ou ont pour objet de servir de preuve en justice. C’est au juge qu’il reviendra donc de déterminer les faits et leur gravité.

Attention aux retweets un peu trop rapides

La CMP a également réintégré l’article 5 bis du projet de loi qui avait été gommé au Sénat. Il prévoit de sanctionner de 3 ans de prison et de 75 000 euros d’amende « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support » un message incitant au terrorisme. Il suffira que ce message soit « susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ». Un simple retweet ou un partage posté un peu trop rapidement sur Facebook sera donc susceptible d’entrer dans le champ de cette infraction, qui condamne déjà les messages jugés « violents ».

Un blocage judiciaire plus vaste

Dans le même sens, l’article 6 a été rétabli dans sa version la plus vaste. Il permet au juge des référés, sur demande du Parquet ou de toute personne, de prononcer l’arrêt d’un site qui ferait l’apologie du terrorisme ou provoquerait à l’accomplissement d’une action terroriste. Il n’est plus question comme l’avait décidé l’Assemblée nationale sur amendement de Lionel Tardy de diriger cette procédure contre les seuls éditeurs du site. Désormais, l’hébergeur ou le FAI pourront être dans la boucle.

Blocage et déréférencement administratifs adoptés

Sur l’article 9, relatif au blocage administratif, on retrouve cette même logique du tour de vis : l’office central pour la lutte contre la criminalité informatique (OCLCTIC) pourra notifier éditeur et hébergeur aux fins de retrait d’un contenu provocant ou faisant l’apologie du terrorisme. S’ils ne sont pas identifiées ou ne répond pas dans les 24 h (et non plus 48 h comme voulu au Sénat), l’autorité administrative pourra retourner sa demande devant les fournisseurs d’accès.

 

De même, comme cela avait été injecté au Sénat par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, le texte maintient le déréférencement administratif. L’OCLCTIC pourra donc adresser des listes d’URL que Google et les autres moteurs devront gommer au plus vite. C’est un cas unique dans notre législation puisque jamais une telle disposition n’avait été votée au Parlement.

 

Toutes ces opérations seront sous l’œil d’une personnalité désignée par la CNIL, seule personnalité extérieure à jauger les éventuels faux positifs. Ces dispositions devraient conduire à une adaptation du décret sur le blocage tel qu'il avait été révélé dans nos colonnes.

 

Ce n’est pas tout. Le projet de loi vient également faciliter la mise au clair des infractions chiffrées, tout en condamnant désormais le fait d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre une donnée informatique. Cette disposition, simplifiée en CMP, permettra de sanctionner le « vol » informatique dans notre droit. Il généralise enfin l’enquête sous pseudonyme à toute une série d’infractions.

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