Comme l’avait annoncé le gouvernement il y a de ça plusieurs mois déjà, le projet de loi sur la santé tente de relancer le « dossier médical personnel », qui est désormais renommé en « dossier médical partagé ». L’exécutif espère que les patients s’approprieront davantage ce dossier consultable en ligne, notamment en leur permettant de mieux gérer les accès des professionnels à leurs informations (comptes-rendus médicaux, historiques de remboursements, etc.).
Le projet de loi sur la Santé permettra-t-il au « dossier médical personnel » de prendre (enfin) son envol, après plus de dix ans de développements ? En juillet dernier, l’exécutif dénombrait seulement 473 000 DMP d’ouverts, dont certains étaient même vides... Un chiffre bien loin des ambitions initialement placées dans cet outil en ligne, lequel est censé permettre aux patients et aux professionnels de santé d’accéder à tout un tas d'informations : comptes-rendus hospitaliers de la personne concernée, antécédents médicaux et chirurgicaux, traitements en cours, résultats d’analyses, etc.
L’année dernière, la Cour des comptes s’était d’ailleurs inquiétée des ratés du dispositif. Et ce d’autant plus au regard de son coût, évalué à « au moins 210 millions d’euros » à la fin 2011. Pour mémoire, ce dossier est créé sur proposition des professionnels de santé, avec l’accord du patient concerné. Le tout est bien entendu gratuit.
Comme sur Facebook, le patient peut gérer les accès, masquer des informations...
Mais avec le projet de loi de Marisol Touraine, présenté mercredi en Conseil des ministres, le gouvernement dit vouloir « tire[r] les leçons des échecs successifs des différents modèles de développement du DMP ». Son texte confie ainsi à l’Assurance maladie la mise en œuvre du dossier médical partagé. Le « DMP 2 » sera en fait assez profondément remodelé.
Comme aujourd'hui, le bénéficiaire accèdera directement, via Internet, au contenu de son dossier. Une fois connecté, il devra avoir la possibilité de consulter « la liste des professionnels et des équipes qui ont accès à son dossier médical partagé » - que le patient sera d’ailleurs libre de modifier comme il le souhaite. Un peu comme sur Facebook, l’internaute pourra donc voir qui accède à quoi, et paramétrer ces accès librement. Le projet de loi prévoit d’autre part que le détenteur du DMP « peut, à tout moment, prendre connaissance des traces d'accès à son dossier », ce qui signifie qu’il y aura une sorte d’historique.
Historique de remboursements, comptes-rendus... versés obligatoirement au DMP
Si les professionnels de santé pourront par principe accéder au DMP de leurs patients, le projet de loi prévoit qu’ils doivent reporter dans celui-ci, « à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge ». Il en ira de même pour les séjours dans des établissements hospitaliers. L’historique des remboursements de médicaments sera également versé dans le dossier médical partagé par l’Assurance maladie.
Désormais, le bénéficiaire du DMP aura la possibilité de rendre certaines de ces informations inaccessibles, de les « masquer » en quelque sorte. Seule exception : le médecin traitant, qui dispose en cette qualité d’un droit d'accès spécifique, puisque celui-ci lui permet d’accéder systématiquement « à l'ensemble des informations contenues dans ce dossier ». L’idée est ici de permettre au médecin d’avertir un patient qui aurait un peu trop « protégé » son dossier.
De longs débats en perspective au Parlement
Voilà pour les grandes lignes. Si le texte est adopté en l’état, il faudra ensuite que le gouvernement rédige un décret d’application, qui sera soumis pour avis à la CNIL et aux conseils nationaux de l'ordre des professions de santé, afin de préciser toutes les modalités pratiques de mise en œuvre de ces dispositions.
« La crédibilité de l'outil et sa pleine appropriation par les usagers et les professionnels dépend de la rapidité de son implantation, de sa capacité à devenir un outil efficace de coordination, du rôle que le médecin traitant s'y voit conférer, et enfin des garanties sans faille qu'il apporte dans la défense des intérêts et des droits des usagers » affirme le gouvernement dans son exposé des motifs. Si les intentions sont louables, le « DMP 2 » n’est pas cependant pas pour demain. Avant d’être adopté, le projet de loi sur la santé devra en effet être examiné à deux reprises par chacune des deux chambres parlementaires, le Sénat et l’Assemblée nationale. Étant donné l’épaisseur du texte et l'affluence de textes déposés devant le Parlement, il faudra donc plusieurs mois avant qu’il ne soit définitivement voté.