Le député Lionel Tardy n’est pas le seul à avoir interpellé la nouvelle ministre de la Culture à propos du budget de la Hadopi (voir ci-dessous). Sa collègue Laure de La Raudière, elle aussi UMP, a en effet écrit ce matin à Fleur Pellerin afin de savoir comment la Rue de Valois pensait permettre à la Haute autorité d’assurer l’ensemble de ses missions - et non pas la seule riposte graduée - avec « seulement » six millions d’euros pour 2015. D’après l’élue, un tel budget « est notoirement insuffisant pour effectuer l'ensemble des trois missions prévues par la loi ». Sans parler pour l’heure de contournement du Parlement, à l’instar de Lionel Tardy, Laure de La Raudière demande malgré tout au gouvernement de préciser ses intentions vis-à-vis de l'institution, ainsi que sur d’éventuelles « modifications législatives (...) parallèlement envisagées sur ce sujet ».
Le gouvernement peut-il contraindre budgétairement la Hadopi à se concentrer sur la seule riposte graduée, au détriment des autres missions qui lui ont pourtant été confiées par le législateur en 2009 ? C’est la crainte actuelle du député UMP Lionel Tardy, qui interpelle aujourd’hui le ministère de la Culture sur ce qui pourrait constituer selon lui un « contournement du Parlement ».
La nouvelle est tombée mercredi. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, le gouvernement veut n’allouer « que » six millions d’euros à la Hadopi. Un montant identique à celui de cette année, mais qui se révèle en réalité bien mince, puisqu’il était à l’origine prévu que les compétences de l’institution soient transférées au CSA en cours de route. Un projet finalement abandonné.
Sans le dire explicitement, le ministère de la Culture pousse en fait la Rue du Texel à se concentrer sur l’une des trois missions qui lui ont été confiées par le législateur - la plus symbolique d’ailleurs : la riposte graduée. Six millions d’euros, c’est en effet grosso modo ce dont a besoin la Haute autorité pour faire tourner la machine à avertissements. « Nous estimons que ce budget est suffisant pour assurer la riposte graduée » a d’ailleurs expliqué cette semaine la Rue de Valois à 01Net.
Lionel Tardy considère que le gouvernement piétine implicitement le Parlement
Mais aujourd’hui, le député Lionel Tardy s’insurge contre cette stratégie. L’élu UMP, qui s’était pourtant fermement opposé à la loi Hadopi en 2009, juge en effet la situation « inquiétante ». « Cette contrainte budgétaire a tout l’air d’être un moyen de réduire les missions de la Hadopi en priorisant certaines d’entre elles (réponse graduée notamment), sans passer par le Parlement » regrette-t-il dans un communiqué. Selon le parlementaire, il est « inconcevable qu’une évolution des missions confiées par le législateur à la Hadopi soient revues de cette manière ».
En somme, Lionel Tardy rappelle qu'au nom de la séparation des pouvoirs, seul le législateur, qui a confié ses missions à l'autorité publique indépendante en 2009 (offre légale, riposte graduée et régulation des mesures techniques de protection), est en mesure de décider de les faire évoluer.
Face à ce qu’il perçoit aussi comme un « certain manque de courage », le député a donc transmis une question écrite à l'attention de la ministre de la Culture, laquelle sera publiée mardi au Journal Officiel. L’élu dit vouloir « savoir si la question de l’avenir de la Hadopi et des ses missions va faire l’objet d’un débat législatif. Si tel n’est pas le cas, il souhaite savoir comment [Fleur Pellerin] compte permettre à cette autorité publique indépendante de mettre en œuvre l’ensemble des missions que lui a confié le législateur et auquel le gouvernement a, depuis 2012 et aux dernières nouvelles, affirmé son attachement. »
La Hadopi a déjà refusé de se concentrer sur la seule riposte graduée
En attendant la réponse de la nouvelle locataire de la Rue de Valois, rappelons que la Hadopi a d’ores et déjà pris les devants. Hier, dans une sorte de bras d’honneur au gouvernement et aux ayants droit, l’institution a décidé que tous ses postes budgétaires allaient diminuer dès cette année – y compris celui consacré à la riposte graduée. Avec ce joli pied de nez, la Haute autorité espère pouvoir mettre de côté 200 000 euros, qui pourront lui être utiles pour faire face à ses charges de l’année prochaine.