Les députés membres de la Commission des lois ont rejeté mercredi dernier une proposition de loi UMP qui visait à étendre davantage la possibilité pour les Français de l’étranger de voter grâce à Internet. Compte-rendu.
La question du vote électronique s’est à nouveau invitée au Parlement la semaine dernière. La Commission des lois de l’Assemblée nationale examinait en effet une proposition de loi organique déposée durant l’été par le député Thierry Mariani (UMP). L’objectif ? Permettre aux Français résidant à l’étranger d’élire le président de la République et les eurodéputés depuis Internet, de la même manière que pour les élections législatives (depuis 2012) et consulaires (depuis cette année). D’après l’élu, le vote électronique présente de nombreux avantages pour ces électeurs parfois très éloignés de leur bureau de vote : « simplicité du vote, facilité d’accès au scrutin, augmentation de la participation et instantanéité de la prise en compte du suffrage ».
Le texte avait le soutien du groupe UMP, et son rapporteur, lui aussi de l’opposition, avait donné un avis très favorable à son adoption (voir son rapport). Le député Patrice Verchère jugeait en effet que le vote électronique avait remporté « un réel succès auprès des Français de l’étranger » - succès à même de limiter l’abstention. Il estimait d’autre part que cette solution avait « démontré sa fiabilité ».
Problèmes de sincérité
« L’idée proposée dans ce texte est séduisante » avait pourtant reconnu d’emblée le député Pascal Popelin, affirmant que la représentation nationale se devait de « trouver les moyens d’améliorer la participation citoyenne aux élections ». La mesure a cependant été rejetée par le groupe socialiste, et ce pour plusieurs raisons.
De forme tout d’abord, la proposition de loi étant considérée comme mal ficelée sur un plan budgétaire et juridique. « Cette proposition de loi organique présente un risque constitutionnel sérieux. En effet, l’élection présidentielle a lieu dans le cadre d’une circonscription nationale unique. Il est probable que l’ouverture de modalités de vote différentes soit considérée comme une rupture d’égalité devant le vote, une partie des Français ayant la faculté de voter par voie électronique quand la grande majorité du corps électoral ne l’aurait pas » a ainsi fait valoir le député Popelin.
Sur le fond ensuite, le parlementaire a donné une interprétation plus mesurée du « succès » du vote électronique. Selon lui, « la corrélation entre les modalités de vote et la participation n’est pas flagrante ». Brandissant les chiffres des dernières élections présidentielles, Pascal Popelin a expliqué que le taux de participation des Français de l’étranger était de 40 %, contre 20 % pour les élections législatives de la même année (où le vote électronique était pourtant proposé). « Il me semble que la participation tient surtout à la perception que les électeurs ont, à tort ou à raison, de l’enjeu de l’élection » en a-t-il déduit. On notera à cet égard qu’un récent rapport sénatorial en arrivait également à la conclusion que le vote électronique n’avait « pas permis d’élever notablement le taux de participation ».

Le député Patrick Mennucci (PS) est ensuite venu ajouter son grain de sel : « Comment juger de la sincérité d’un vote fait dans un autre cadre que celui du bureau de vote ? On ouvre la voie, je crois, à toutes sortes de pratiques mal intentionnées : contrôle ou achat des votes, achat d’identifiants… » Au nom de « raisons de principe », l’élu marseillais a plaidé en faveur du rejet de ce texte, craignant au passage que le législateur provoque un espèce d' appel d’air. « On évoque aujourd'hui les départements et collectivités d’outre-mer, pourquoi pas, demain, d’autres territoires de notre pays ? L’extension du vote électronique irait dans le sens de ceux qui veulent "déshumaniser" le vote. Se déplacer pour voter dans un bureau de vote est un acte républicain. Des contrôles sont effectués et l’on doit respecter certaines obligations : prendre plusieurs bulletins, passer par l’isoloir, etc. Il y a malheureusement beaucoup d’endroits en France où l’on assiste à des tentatives de fraude. Une technique de scrutin dématérialisé pourrait donner des idées à certains. »
Les socialistes invités à davantage de clarté
« Le débat n’est pas que de principe » a néanmoins objecté Sergio Coronado, député écologiste... des Français d’Amérique Latine. « Le vote électronique est une nécessité si l’on souhaite que les Français de l’étranger exercent pleinement leur citoyenneté » a-t-il poursuivi, expliquant qu’à Bogota, dans sa circonscription, il y avait un seul bureau de vote, ce qui pouvait occasionner de longues heures d’attente.
De plus, l’élu a rejoint plusieurs députés de l’opposition qui pointaient le manque de constance des socialistes sur cette question. « Pourquoi s’arrêter au milieu du gué après avoir permis le vote électronique aux élections consulaires, mes chers collègues de la majorité ? Il y a une contradiction entre cette mesure récente et les arguments de portée générale soutenus par messieurs Popelin et Mennucci. »
« Si ce texte devait être rejeté, monsieur Popelin, il nous faudra prendre nos responsabilités et supprimer le vote électronique pour les deux élections où il est prévu, avait d’ailleurs prévenu le rapporteur Verchère. Je rappelle que c’est l’ancienne majorité qui avait instauré le dispositif pour les élections législatives, et l’actuelle pour les élections consulaires. » Les discussions sur ce texte devraient se poursuivre jeudi 9 octobre, en séance publique cette fois.