L’année dernière, l’État a dépensé 207 millions d’euros pour des logiciels, soit 101 millions d’euros de moins que deux ans plus tôt ! C’est en tout cas ce qui ressort d’une évaluation interne à l’administration, et qui doit donc être prise avec précaution.
Réitérant son initiative de l’année dernière, la députée écologiste Isabelle Attard a demandé il y a quelques mois à tous les membres du gouvernement Valls de dévoiler les dépenses annuelles de leurs ministères en logiciels, libres comme propriétaires. L’élue souhaitait ainsi avoir une meilleure idée de l’argent public consacré aux différents programmes informatiques (Windows, Photoshop, Office,...). Cette requête était également l’occasion de voir de quelle manière les administrations respectaient la circulaire dite « Ayrault » sur l’usage du libre, puisque celle-ci place les solutions libres et propriétaires sur un même pied d’égalité depuis septembre 2012.
Cette semaine, c’est le ministère de l’Écologie qui a répondu à la députée Attard. Mais mauvaise surprise : aucun chiffre n’est révélé par Ségolène Royal. L’année dernière, ses services avaient déjà été très vagues et imprécis en affirmant dépenser « environ six millions d'euros par an en logiciels propriétaires (licences et support) » depuis 2008, alors que l’élue écologiste réclamait un détail précis par année et par type de logiciel...
Une diminution de près d'un tiers en deux ans
Plutôt que d’évoquer le seul cas du ministère de l’Écologie, sa responsable a en fait présenté une réponse concernant l’État dans son ensemble, c’est-à-dire tous ministères confondus. Le ministère de la Réforme de l’État s’en était déjà tiré grâce à une telle pirouette en 2013. Ces nouveaux chiffres, issus d’une évaluation interne, portent sur « les logiciels acquis par l'État, administrations centrales et déconcentrées, sur la période 2008-2013 » (voir notre tableau ci-dessous).

Que retenir ? On observe une forte diminution entre les derniers chiffres divulgués (qui s’arrêtaient à l’année 2011) et les années suivantes. De 308 millions d’euros de dépensés en 2011, on est en effet passé à 207 millions d’euros l’année dernière. Soit une diminution colossale de plus de 100 millions d’euros en deux ans. L’année 2011 fut cependant une année « faste », puisqu’elle constitue un pic exceptionnel sur la période 2008-2013. Si l’on compare avec 2008, on constate en fait une baisse plus relative, de l’ordre de 13 % environ.
Ces chiffres doivent cependant être pris avec la plus grande précaution. Il ne s’agit en effet que d’une évaluation, et non de quelque chose de certain. L’exécutif ne le cache d’ailleurs pas, puisqu’il fait état « d'importants obstacles méthodologiques et pratiques » à la valorisation des dépenses logicielles : difficulté d’isoler les coûts des solutions, sachant que celles-ci peuvent être incluses dans d’autres dépenses (lors d'un achat d'ordinateur par exemple), voire dans des contrats comprenant d’autres prestations, etc.
L'élaboration d'un « tableau de bord » dédié a débutée au début de l'année
Mais si le ministère de l’Écologie reste muet sur ses propres chiffres, c’est probablement parce que « le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre de la circulaire relative à l'usage du logiciel libre dans l'administration font l'objet de travaux interministériels visant à mesurer, en volume et en valeur, l'évolution de l'usage des logiciels libres et propriétaires, grâce à un ensemble d'indicateurs rassemblés dans un tableau de bord ministériel et interministériel ». On apprend ainsi que l’administration a commencé à élaborer ce tableau de bord « au cours du premier semestre 2014 », mais que celui-ci n’est pas encore terminé. « La finalisation de cet outil nécessite encore des travaux sur la seconde partie de l'année » se justifie l’exécutif, tout en laissant entendre que tout pourrait être prêt d'ici 2015.
Une « première campagne de collecte de données, effectuée auprès de l'ensemble des ministères », a pour l'heure permis de mettre en exergue différents « constats » :
- « Neuf postes de travail sur dix disposent d'au moins un de ses composants majeurs (système d'exploitation, suite bureautique) en version libre.
- Environ deux tiers des serveurs de production fonctionnent avec un système d'exploitation libre. Sur ce plan, la proportion varie beaucoup d'un ministère à l'autre, d'un cinquième pour le moins équipé de cette manière à neuf dixièmes pour celui où la pratique est la plus répandue.
- Enfin, environ un tiers des instances de base de données utilise un système de gestion de base de données libres. »