La justice américaine vient de considérer que la plateforme de streaming Grooveshark était coupable de multiples violations de copyright. Depuis sept ans, cet équivalent à Spotify permettait à ses utilisateurs de mettre en ligne des chansons, sans que les ayants droit ne perçoivent systématiquement de droits d’auteur. Il faudra cependant attendre que la procédure suive son cours pour savoir si d’éventuels dommages et intérêts sont attribués aux victimes.
Après avoir été un temps présent sur le créneau du peer-to-peer, Grooveshark s’est lancé en 2007 dans l’écoute gratuite de musique en streaming. Mais à la différence de ses concurrents, et plus particulièrement Deezer, cette plateforme permet alors à ses utilisateurs d’uploader des titres, afin de les partager avec le reste de la communauté. Résultat, les millions de chansons mises en ligne participent rapidement au succès du site, lequel s’attire dans le même temps les foudres des ayants droit.
En 2011, neuf majors attaquent en effet Escape Media, l’entreprise qui détient Grooveshark, devant la justice américaine. Les plaignants affirment que leurs droits d’auteur ne sont pas respectés, dans la mesure où leurs œuvres sont diffusées sans autorisation et surtout sans contrepartie financière. Parmi ces maisons de disque, on retrouve Warner, Sony ou bien encore Atlantic Recording. De leur côté, les responsables de la plateforme se défendent en brandissant la législation américaine relative aux hébergeurs (DMCA), qui fait qu'un intermédiaire technique n'est pas responsable des contenus mis en ligne par ses utilisateurs - tout du moins tant qu'il n'a pas été averti de leur illicéité.
Les salariés avaient été priés de mettre des chansons à disposition sur Grooveshark
Hier, un juge de district new-yorkais a néanmoins considéré qu’Escape Media et ses fondateurs, Samuel Tarantino et Joshua Greenberg, étaient effectivement coupables d'atteintes directes au droit d’auteur vis-à-vis de 5 977 chansons d’artistes tels que Green Day, Eminem ou Madonna. Reuters rapporte également que le magistrat en charge du dossier a considéré qu’il y avait suffisamment de « preuves irréfutables » à l’encontre des prévenus.
Il s’avère en effet que des échanges de mails entre les fondateurs d’Escape Media et les salariés de Grooveshark ont lourdement pesé dans la balance. Et pour cause, les employés de la plateforme avaient eu pour consigne de mettre en ligne un maximum de chansons, histoire d’agrandir rapidement le catalogue du service... Un extrait de message envoyé en 2007 par Joshua Greenberg et relayé par TorrentFreak est à cet égard relativement explicite :
« Partagez s'il vous plaît autant de musique que possible en dehors du travail, et laissez vos ordinateurs tourner chaque fois que vous le pouvez. C’est ce contenu de base qui va nous aider à lancer notre réseau – c’est pourquoi il est très important que tout le monde aide ! (....) Il n’y a aucune raison de ne pas le faire. SI JE N’AI PAS DE RETOUR DE VOUS DANS MA BOITE MAIL D’ICI LUNDI, VOUS ETES SUR MA LISTE OFFICIELLE DE ********. »
Le juge a ainsi retenu que les responsables de Grooveshark avaient bel et bien l’intention de violer le copyright des plaignants. Il a donc donné trois semaines aux parties afin qu’elles formulent des propositions en vue d’une injonction tirant les conséquences de la décision d’hier.
Si les représentants d’Escape ont d’ores et déjà affirmé qu’ils pourraient faire appel, rappelons que les cas de violations délibérées du copyright sont habituellement très sévèrement punies aux États-Unis. L’addition pourrait ici se chiffrer en dizaine de millions de dollars, d’autant que chaque œuvre dont le copyright n’a pas été respecté a pu être écoutée de nombreuses fois par les millions d'utilisateurs de Grooveshark. Un montant astronomique qui mettrait alors très probablement la plateforme en grand danger.