C’est désormais officiel : la Commission européenne vient d’adresser un avis motivé à la France à propos de son taux de TVA applicable aux livres numériques. Paris dispose désormais d’un mois pour aligner ce taux, actuellement de 7 %, à celui de la TVA normale, à savoir 19,6 %. Problème : la nouvelle majorité entendait réduire ce taux à 5,5 % à partir de 2013, et ne semble pas disposée à bouger d'un poil.
Le bras de fer entre la France et la Commission européenne au sujet du taux de TVA à appliquer aux livres numériques continue. Et gagne même en intensité. Ce n’est d'ailleurs pas une surprise : après avoir été mis en demeure par Bruxelles début juillet, la France vient désormais de se voir adresser un avis motivé.
Comme lors de ce premier avertissement officiel, les services de la Commission rappellent que depuis le 1er janvier 2012, la France applique un taux réduit de TVA aux livres numériques, « ce qui est incompatible avec les règles actuelles de la directive TVA ». Il apparaît en effet que selon ce texte, le téléchargement de livres numériques doit être considéré comme un service fourni par voie électronique. Or, « l’application d’un taux réduit à ce type de services est exclue », relève Bruxelles.
Aussi, la Commission pointe une seconde fois les « graves distorsions de concurrence » provoquées par cette fiscalité. Bruxelles explique en effet que les règles actuelles prévoient l'application du taux de TVA de l'État membre du prestataire, et non de celui du client. Autrement dit, lorsque vous achetez un bien, vous payez la TVA en fonction de là où vous vous trouvez. Or, pour un livre numérique, vous vous acquittez de cette taxe d’après l’endroit où se trouve le prestataire, mais vous pouvez le commander depuis n'importe où. De nombreuses entreprises peuvent ainsi avoir été tentées de s’installer dans un État membre en raison de sa fiscalité avantageuse. Les pays respectant les règles communes se trouvant de ce fait pénalisés.
Vers une saisine de la justice européenne ?
En engageant cette deuxième et dernière étape de la procédure d’infraction, la Commission européenne fixe un ultimatum à Paris : elle lui donne un mois pour aligner le taux de TVA des livres numériques au taux normal de 19,6%. À noter que le Luxembourg s’est également vu adresser un avis motivé, et dispose lui aussi d’un mois pour se mettre en conformité avec la législation européenne.
Si jamais la France ne satisfaisait pas les attentes de la Commission, cette dernière pourrait saisir la Cour de justice de l’Union européenne. À la procédure d’infraction se substituerait une procédure contentieuse et les magistrats pourraient alors être amenés à sanctionner la France d’une amende, s'ils considéraient que celle-ci n’a pas respecté le droit de l’Union.
Paris campe sur ses positions
La France se trouve désormais dans une fâcheuse posture, puisque le candidat Hollande avait promis un taux de TVA identique pour les livres numériques et physiques. Cette proposition a d’ailleurs été traduite dans le projet de budget pour l’année prochaine : un taux commun de TVA de 5,5 % devrait être appliqué dès le 1er janvier 2013, en lieu et place du taux actuel de 7 %.
Dans une réponse à une question parlementaire, publiée la semaine dernière, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti reste d'ailleurs droite dans ses bottes : « Il n'y a pas de raison pour que la TVA soit différente selon les supports. Un livre reste un livre, qu'il soit lu sous sa forme imprimée ou numérique ». Pour la locataire de la Rue Valois, une telle politique fiscale est d’autant plus justifiée que « l'application d'un taux réduit de TVA au livre numérique est favorable au développement du marché (...), précisément au moment où le marché se structure ».
Et la ministre de conclure : « Le Gouvernement continuera à mener son travail d'argumentation et de persuasion auprès de la Commission et de ses partenaires européens ». Un travail qui risque de s'annoncer laborieux, au regard des résultats obtenus par Paris depuis l'ouverture de cette procédure d'infraction...