Devant la mission Lescure, l'Assocation des producteurs de cinéma a fait part de ses souhaits : que la Hadopi voit ses capacités étendues au streaming et au direct download, en plus du P2P.
Frédéric Goldsmith (APC devant la mission Lescure)
L’APC a profité de son échange avec la mission Lescure lors de l’audition du 18 octobre pour détailler ses propositions.
Responsabiliser les régies publicitaires
D’abord, elle souhaite « une mise en responsabilité des régies publicitaires dès lors qu’il y a des publicités affichées sur des sites de piratage ». Pour Frédéric Goldsmith, délégué général de l'APC « il est anormal, alors qu’on consulte un site entièrement dédié au piratage, qu’on voit une publicité pour des grandes institutions ou des grandes entreprises françaises sans que la régie publicitaire ne s’en inquiète de quelques manières que ce soit. » L’APN estime que le jeune qui se retrouve devant de telles publicités peut être trompé : il se demandera « pourquoi est-ce illicite s’il y a une publicité pour la SNCF ou l'armée de l’air ou que sais-je ? » Pour les producteurs, pas de doute. Les régies doivent vérifier « sur quel site vont au final les publicités ». Une telle connaissance serait évidemment vénéneuse pénalement : en ouvrant les vannes volontairement, elles seraient immédiatement complices du site illicite.
On se souvient des propos dans le même sens de Luc Besson et de la réponse faite par le numéro un Priceminister
Responsabiliser des intermédiaires financiers
Mais les producteurs de cinéma ont d’autres propositions. Ils veulent ainsi engager la responsabilité des opérateurs de micro-paiement. « Il devrait être possible de leur ordonner de ne pas fournir de moyens de paiement à des sites illégaux. Quand on paye, on a l’impression que c’est légal ! » tambourine encore Frédéric Goldsmith.
Micro paiement, responsabilisation des régies...les propos rappellent fortement ceux de Frédéric Mitterrand ou Nicolas Sarkozy.« Blocage (...) par les fournisseurs d’accès, déréférencement par les moteurs de recherche, responsabilisation des intermédiaires de paiement, coopérations judiciaire et policière internationales pour lutter contre les criminels les plus endurcis » voilà quelques ingrédidents que promettait le candidat de la France Forte dans une lettre à la SACD.
Impliquer l'État dans le blocage
Mais l’APC demande aussi à ce que « l’État s’implique dans les outils qui permettent au mieux d’opérer les blocages d’accès dans les conditions techniques idoines ». Lesquelles ? « On a des solutions qui existent, qui peuvent être mises en œuvre, mais je ne rentrerai pas dans le détail compte tenu de l’action » (Allostreaming, en cours devant le TGI de Paris, NDLR). Dans cette affaire, l’ALPA a développé, en collaboration avec TMG, un outil censé détecter la réapparition de sites une première fois bloqués, afin d’en réordonner le blocage chez les FAI ou le déréférencement dans les moteurs. Un outil dont n’était pas doté l’État dans le dossier Copwatch où justement la puissance publique sollicitait le blocage d’un site et de ses futurs clones. On relira cependant l’argumentation du juge qui montre que les limites des solutions purement techniques.
Copie privée, déréférencement, hébergeur et notification et retrait
Dans sa présentation, l’APC a fait état de la mission devant le CSPLA sur le cloud et la copie privée. Ce n’est pas une surprise. Les producteurs veulent bien reconnaître cette évolution technique dans le ciel d’Internet, mais ils marquent une nette préférence pour la prévalence du droit exclusif. Il s’agit de « préserver les principes fondamentaux de la propriété intellectuelle » explique solennellement Frédéric Goldsmith. « Quand des prestataires commerciaux ont des clients, ce mécanisme commercial s’insère dans le droit d’autoriser et dans la maitrise d’exploitation. On n’est pas dans un mécanisme d’exception, mais bien dans le corps principal du droit d’auteur qui est le droit exclusif. »
Samedi, lors des rencontres cinématographiques de Dijon, Frédéric Goldsmith a rappelé que le statut d’hébergeur ne pouvait que difficilement être accordé à ces casiers personnels (voir les explications juridiques). L’intéressé est revenu sur ce terrain devant la mission Lescure : « Il y a une question, qui est celle de du statut d’hébergeurs (…) nous estimons que ce statut n’a pas vocation à s’appliquer dès lors qu’on ne peut pas avoir un mécanisme de notification et de retrait. Ce sont des systèmes qui ne permettent pas aux ayants droit de demander le déréférencement. »
Le cheminement logique est mécanique : trop de copie privée, c’est moins de possibilité de réclamer le déréférencement par notification et retrait, qui sont les armes du droit exclusif. Et si on ne peut réclamer de retrait, c’est que les intermédiaires n’ont pas le statut d’hébergeur.
Muscler les pouvoirs de la Hadopi
« La Hadopi s’occupe de téléchargement, mais il faudrait étendre ces missions au streaming ou toute autre forme qui viendrait à se développer dans le futur. C’est évident » Marc Missonnier, le président de l’Association des Producteurs de Cinéma, n’aura pas caché ses préférences lors de cet échange avec la mission Lescure. Il souhaite que la Hadopi dispose de pouvoirs démultipliés afin de lutter contre le streaming, le direct download ou n'importe quelle autre forme d’échange à venir dans le futur.
« Nous avons des outils dans la loi qui nous permettent d’obtenir devant la justice des blocages d’accès à un certain nombre de sites illicites. Il y a une action en cours importante » ajoutera dans la foulée Frédéric Goldsmith. Celui-ci vise là encore l’affaire Allostreaming que PC INpact suit depuis ses origines (notre dossier). Bien entendu, doter la Hadopi de nouvelles capacités, notamment de déréférencement, permettra dans le même temps aux ayants droit d'éviter la case justice, très coûteuse en temps (le dossier Allostreaming a plus d'un an) et financièrement. Et donc de déporter la charge de cette politique pénale sur les épaules de l'Etat et des intermédiaires techniques.
Rendre responsable les régies publicitaires
D’autres producteurs, ceux de la musique, ont déjà réclamé à la Mission Lescure d’armer la Hadopi de nouvelles capacités : « il serait nécessaire d’élargir les compétences de l’autorité, en dotant la Hadopi de la capacité de procéder au déréférencement des liens illicites qui conduisent les internautes vers des services en lignes illicites ». Le Syndicat de l’édition phonographique souhaite ainsi qu’un « traitement massif » puisse être mis en œuvre.
Ces pistes tombent au mieux, puisqu’Aurélie Filippetti a exposé hier devant le CSPLA son souhait sur les résultats de cette mission: « J’attends à ce titre de la mission Lescure qu’elle propose des pistes pour lutter contre le « streaming » et le téléchargement direct illégaux. L’action de l'Hadopi a été insuffisante en la matière, car nous savons que de nouvelles pratiques se sont développées ces dernières années et que le droit ne peut se contenter d’une référence à un état de la technique tel que le téléchargement en « pair à pair ». »
Pour apprécier les propos de la ministre, il faut lire en creux : ce que Filippetti critique, ce n’est pas la contravention de négligence caractérisée. Non. L’infraction est intégrée dans son esprit. Elle est acceptée malgré son passé de députée qui résonne encore. Ce que Filippetti critique c’est surtout une insuffisance pénale de la Hadopi au regard du streaming et du direct download. En clair, une Hadopi en sous-capacité qu'il convient désormais de surarmer.