Alors que le chef du Gouvernement a demandé cette semaine à ses ministres de lui soumettre des propositions pour un rapprochement entre l’ARCEP et le CSA, des voix se sont élevées contre les risques d’un tel projet. Parmi elles, celle de La Quadrature du Net, dont le porte-parole Jérémie Zimmermann vient d’expliquer un peu plus ses craintes dans une interview à Silicon.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé mardi à trois membres de son Gouvernement (Aurélie Filippetti pour la Culture, Fleur Pellerin pour l’Économie numérique et Arnaud Montebourg pour le Redressement productif) de lui soumettre d’ici fin novembre des propositions d’« évolutions législatives et réglementaires » en vue d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP. Il s’avère que les réflexions préalables à ces propositions seront coordonnées par la mission de Pierre Lescure, dont les propres conclusions sont quant à elles attendues pour fin mars 2013.
Or, le porte-parole de LQDN se méfie d'une éventuelle fusion entre ces deux autorités qui régulent l’audiovisuel et les communications électroniques (mobiles, Internet,...). Pour Jérémie Zimmermann, « le principal danger est que l’on applique les modèles de régulation qui sont ceux du CSA à Internet ». Il se trouve d’ailleurs que le CSA n’a pas caché ses désirs de contrôler l’internet, y compris récemment (voir notre article : Pour le CSA, Internet est la télévision). « Tenter d’imposer le même type de règles à la multitude d’acteurs, commerciaux et non-commerciaux, qui constituent le réseau décentralisé qu’est Internet (...) est une aberration, prévient Jérémie Zimmermann. Internet c’est aussi la diffusion de vidéos, mais c’est avant tout la mise en œuvre de nos libertés fondamentales, le partage de la connaissance et de la culture, la participation démocratique, etc ».
Et c’est bien là que se situent les principales craintes du porte-parole de LQDN, qui redoute que la fusion du CSA et de l’ARCEP n’amène les intérêts du CSA (dont les membres « sont notoirement proches des chaines de télé, donc des grands groupes du divertissement qui prônent la mise en œuvre d’un droit d’auteur toujours plus répressif et, à ce titre, souhaiteraient qu’Internet soit mis sous contrôle (Hadopi, SOPA, ACTA, etc.) ») au cœur de la régulation des communications.
Il explique par ailleurs que la TV connectée est perçue comme une menace (cf propos de Pierre Lescure sur le fait qu’avec la TV connectée, le piratage deviendrait « inarrêtable »), à tort. « Il semble qu’il y ait, dans la définition du problème, une erreur monumentale. La « télé connectée » n’est pas une télé, mais bien un ordinateur connecté à Internet permettant également de capter la télévision hertzienne. Il s’agit donc d’un terminal d’accès à Internet, en forme de télévision, posé dans la salle à manger ». Et l’arrivée de nouveaux terminaux comme la TV connectée « ne peut en aucun cas, selon le porte-parole de LQDN, justifier la mise en place de dispositifs de censure ».
Malgré les propos de la ministre déléguée à l’Économie numérique, Fleur Pellerin, qui est montée au créneau pour expliquer que « la question [n’était] pas de limiter la liberté d'expression et les capacités d'innovation liées à la neutralité du Net », Jémérie Zimmermann garde la tête froide : « Nous attendons le gouvernement Ayrault au tournant et restons vigilants. Nous voulons un vrai changement par rapport aux gouvernements précédents, et non la continuité du tout répressif et du copinage avec les grands groupes industriels ».
Rappelons enfin que la LQDN a publié il y a peu un ensemble de propositions pour réformer le droit d’auteur, dont certaines visent notamment à l'instauration de « de normes effectives pour la neutralité du net ».