Alors que l’Allemagne songe à une nouvelle législation « anti-stress » pour ses travailleurs hyperconnectés, la CGT vient de lancer en France une campagne d’envergure afin de plaider pour un « droit à la déconnexion » des salariés.
Suite au développement d’Internet et des smartphones, nombreux sont les salariés qui « ramènent » dorénavant du travail à la maison, par exemple en répondant à des emails ou à des coups de fil à caractère professionnel depuis leur domicile, parfois tard le soir ou durant les week-ends. Aujourd’hui, selon la CGT, ce sont ainsi 75 % des cadres et 39 % des salariés qui « déclarent utiliser les nouvelles technologies pour leur usage professionnel sur leur temps personnel ».
Le syndicat s’inquiète : « Ce travail réalisé à la maison ou dans les transports n’est en général ni reconnu ni comptabilisé, et dépasse très souvent les limites horaires imposées par la loi. » L’organisation regrette que les nouvelles technologies « permettent une disponibilité permanente et sans limites » des salariés, ce qui remettrait en cause le « fondement du droit du travail qui garantit que le lien de subordination entre le salarié et l’employeur doit être temporaire et délimité dans le temps ».
Coup d'envoi d'une campagne nationale
Hier, la CGT a donc lancé une vaste campagne censée durer jusqu’à l’année prochaine. Concrètement, le syndicat appelle les cadres, ingénieurs et techniciens à participer à une consultation destinée à évaluer leur temps de travail exact. « Cette consultation sera utilisée dans chaque entreprise ou administration pour exiger des négociations pour obtenir un droit à la déconnexion et une réduction effective du temps de travail des ICT (ndlr : ingénieurs, cadres, techniciens) ». Une pétition « pour le droit à la déconnexion » a également été lancée sur Internet, et une campagne « virale » (via les réseaux sociaux…) est d’autre part prévue.
La CGT milite pour un « droit à la déconnexion »
Mais que faut-il comprendre par « droit à la déconnexion » ? En fait, la CGT espère pouvoir encadrer davantage l’usage des TIC « pour protéger le repos et la vie privée » des travailleurs. Elle demande ainsi à ce que des négociations obligatoires soient instituées « dans chaque entreprise sur l’utilisation des outils numériques ». Le point central de ces discussions pourrait reposer sur l’instauration de « plages de trêve de mails », durant des périodes correspondantes « au moins aux durées minimums de repos » entre chaque jour travaillé - que la CGT souhaiterait voir passer à 13 heures, contre 11 heures consécutives actuellement.
D’autre part, le syndicat souhaiterait que le droit du travail soit modifié, afin que « l’envoi de sollicitation/information professionnelle la nuit ou le dimanche » soit formellement interdit pour les salariés dont le contrat de travail ne prévoit pas d'activité professionnelle durant ces périodes.
Une problématique qui préoccupe de plus en plus
Si la campagne de la CGT débute tout juste, rappelons que les sénateurs socialistes ont déposé il y a quelques semaines une proposition de résolution prônant le « rétablissement d'une frontière nouvelle entre vie privée et vie professionnelle », dont ils estiment qu’il s’agit d’une « nécessité absolue ». Le texte, qui n’a pas encore été débattu dans l’hémicycle, retient notamment que « l'accès permanent aux courriels professionnels a pu se révéler désastreux et entraîner une forme d'épuisement alimentée par l'impression de ne jamais décrocher de son travail » (pour en savoir plus, voir notre article).
Le sujet suscite également l’intérêt de l’Assemblée nationale, puisqu’il figure parmi les pistes de travail de la « commission numérique » installée avant les vacances et co-présidée par le député Christian Paul.