L’Association des producteurs de cinéma (APC) a elle aussi réagi à la nomination de Fleur Pellerin, remplaçante d’Aurélie Filippetti au poste de Ministre de la culture et de la communication. Elle concentre désormais son attention notamment sur la mise en œuvre des préconisations du rapport de Mireille Imbert-Quaretta sur la contrefaçon en ligne.
Comme l’Adami, la Spédidam, la SACD, ou l’UPFI, les producteurs de cinéma ont placardé leurs doléances sur la porte de la Rue de Valois. Parmi les principales mesures, ils réclament un dépoussiérage de la chronologie des médias et une « mobilisation déterminée et sans tarder au niveau interministériel, notamment par le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur, de l’ensemble des moyens disponibles en l’état du droit pour lutter contre le piratage sous toutes ses formes des œuvres cinématographique et audiovisuelles sur les réseaux électroniques ». À cette fin, cette lutte doit être « complétée par la traduction législative des propositions du rapport de Madame Mireille Imbert-Quaretta » soutiennent-ils.
Les propositions de Mireille Imbert-Quaretta
Pour mémoire, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi a proposé l’an passé une série de pistes pour lutter contre les sites de contrefaçon en ligne (streaming direct download). Elle recommande des chartes d’engagement volontaire avec les intermédiaires de paiement et les régies publicitaires. Surtout, répondant à l’un des souhaits des ayants droit, elle veut injecter dans notre droit un système de notification et de retrait prolongé (notice and stay down).
Par ce biais, l’hébergeur d’un contenu illicite qui recevrait une demande de retrait aurait au surplus l’obligation d’en empêcher la remise en ligne. Il y a cependant une difficulté: l’Europe refuse que les intermédiaires soient astreints à une mesure de surveillance générale, qui serait implicite pour ces remises en ligne. Pour l’évacuer, MIQ propose de limiter cette obligation de surveillance dans le temps, pendant 6 mois maximum.
Cette brèche a en effet été ouverte par une décision de justice européenne. Dans cet arrêt Scarlett/Sabam, applaudi par les ayants droit, la CJUE a prohibé les systèmes de filtrage imposés à un intermédiaire visant toutes les communications électroniques de sa clientèle, à titre préventif, à ses frais exclusifs, et sans limitation dans le temps. Des critères cumulatifs. En limitant la mesure dans le temps, MIQ croit donc pouvoir passer entre les gouttes de la CJUE.
Facile sur le papier, la mesure obligerait cependant les hébergeurs à utiliser un mécanisme d’empreintes sur les œuvres. Impensable pour ces acteurs en effet de surveiller à la main la réapparition des contenus qui devraient du coup, non seulement effacer une URL mais aussi surveiller automatiquement les contenus. Or, si Google ou Dailymotion sont équipés d’un tel mécanisme, ce n’est pas le cas des hébergeurs de plus petite importance.
De la lumière sur la liste noire
Ce n’est pas tout. Ces mesures seraient chapeautées par une autorité, pourquoi pas la Hadopi. L’article 14 de la directive sur le commerce électronique autorise en effet « qu’une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, [exige] du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation » de la propriété intellectuelle des titulaires de droits.
Cette même autorité pourrait au surplus se voir confier la mission de surveiller la bonne exécution des décisions de justice ordonnant un blocage d’accès. Enfin, elle serait chargée d’établir une liste noire des sites massivement contrefaisants. L’enjeu ici serait d’en assurer la mauvaise publicité auprès des internautes en mal d’informations sur la frontière entre le licite et l’illicite. L’autre effet serait plus venimeux puisqu’il s’appuierait sur la mise en connaissance officielle de l’hébergeur qui devrait instinctivement prendre des mesures de nettoyage.
C’est ce que soutient Mireille Imbert- Quaretta dans l’interview qu’elle nous avait accordée : « tous ceux qui ont « connaissance » parce que c’est public ne pourront plus dire qu’ils ne savent pas. S’ils continuent à faire comme s’ils ne savaient pas que des liens renvoient vers des sites massivement contrefaisants, leur responsabilité quasi délictuelle civile sera susceptible d’être engagée. On sera alors dans le droit commun : sur le terrain de la LCEN, dès qu’il y a publicité, ils ne peuvent plus faire comme s’ils ne savaient pas. »