L’Organisation mondiale pour la santé vient de publier un rapport sur les inhalateurs électroniques, ces substituts de tabac qui se rechargent par prise USB. Alors que le marché est en plein boom, 3 milliards de dollars dépensés dans l’ensemble du monde pour ces produits, elle rapporte que « les ventes devraient être multipliées par 17 d’ici 2030 ».
De même, « en 2012, 7 % des habitants de l’UE âgés de 15 ans et plus avaient essayé la cigarette électronique ». Du coup, se pose la problématique de ces cigarettes électroniques : leur efficacité pour se passer du tabac mais aussi leurs risques pour les utilisateurs et leur entourage. « La plupart des inhalateurs électroniques de nicotine n’ont pas été testés par des scientifiques indépendants, mais les rares tests réalisés révèlent d’importantes variations dans la nature de la toxicité des constituants et des émissions » constate l’Organisation (le rapport, PDF).
Mi-chaud, mi-froid
L’OMS souffle cependant le chaud et le froid sur ce bout e-incandescent : si d'un côté, « les éléments de preuve sont suffisants pour mettre en garde les enfants et les adolescents, les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer contre l’utilisation d’inhalateurs électroniques de nicotine parce que l’exposition du foetus et de l’adolescent à la nicotine a des conséquences à long terme sur le développement du cerveau », de l'autre, le rapport considère que les effets à court terme se limitent à l’irritation des yeux et de la peau, et rarement à des maladies. Quant à l'au-delà, c’est l’inconnu. « On ne disposera pas de données probantes sur l’association entre l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine et ces maladies avant plusieurs années voire plusieurs décennies. »
La prudence de l’Organisation mondiale pour la santé s’appuie sur les composés chimiques détectés dans les liquides utilisés dans les inhalateurs : « cytotoxicité potentielle de certaines solutions » du fait des aromatisants, composés cancérogènes, substances toxiques dans la fumée du tabac « Pour certaines marques, la concentration de certains de ces agents cancérogènes, tels que le formaldéhyde et d’autres substances toxiques comme l’acroléine, est aussi élevée que dans la fumée produite par certaines cigarettes ».
Sur l’utilité de la cigarette électronique pour se passer du tabac, les mêmes pincettes sont de rigueur : des données empiriques ont montré qu’une « proportion indéterminée » d’utilisateurs avaient arrêté de fumer, mais les études mesurant cette aide au sevrage tabagique sont inexistantes, exception faite de travaux actuellement en cours au Royaume-Uni. Bref, celui qui veut arrêter de fumer devrait plutôt recourir aux moyens déjà approuvés, sauf celui qui n’y arrivent pas et doit s’appuyer sur la cigarette électronique pour retrouver des poumons plus roses.
Des préconisations réglementaires
Au terme de ce rapport, l’OMS souhaite voir se multiplier les moyens de « dénormaliser » le tabagisme, les adolescents étant « particulièrement sensibles aux signes visuels et aux normes sociales ». Elle recommande aux pouvoirs publics d’« empêcher la promotion des inhalateurs électroniques de nicotine auprès des non-fumeurs, des femmes enceintes et des jeunes et éviter qu’ils n’utilisent ces produits » et de « réduire au maximum les risques potentiels que présentent les inhalateurs électroniques de nicotine pour les utilisateurs et les non-utilisateurs ». Il faut donc interdire leur usage dans les lieux publics, comme c’est à l’étude en France, tout en encadrant très fortement leur publicité, ou prohiber leur vente aux mineurs (déjà le cas en France). Elle sollicite la prohibition des « allégations sanitaires infondées » sur ces produits du moins tant que les fabricants n’auront pas fourni d’études solides sur leurs vertus.
Ce rapport permettra d'alimenter les questionnements au CSA qui ne sait pas sur quel pied réguler la publicité pour ce produit, hésitant entre l'interdiction ou l'encadrement en tant que médicament.