Contrainte de se positionner (à nouveau) sur Hadopi suite à la récente tribune du producteur Jean Labadie, Aurélie Filippetti vient de rétorquer en direction de l’intéressé que la riposte graduée restait à ses yeux « pertinente et opérationnelle ». Mais il n’est pas certain que tous les arguments déballés en urgence par la ministre de la Culture arrivent à convaincre l'ensemble des ayants droit, qui ne décolèrent pas suite aux retards subis par le projet de loi sur la Création.
Alors que les ministres profitent normalement d’un peu de répit durant cette période de vacances, Aurélie Filippetti est sortie de son silence vendredi dernier afin de riposter à la tribune de Jean Labadie, parue la veille dans Libération. La locataire de la Rue de Valois (qui avait en fait reçu une copie de ce texte acerbe dès le 31 juillet) a pris sa plume afin de répondre personnellement à ce producteur et éditeur de films, dont « Habemus Papam » ou « Himalaya, l’enfance d’un chef ». L’homme l’accusait d’avoir laissé les pirates dans « l’impunité » la plus totale, du fait de son « inertie » sur ce dossier.
Résultat, la ministre tente d’éteindre les feux. Sur la chronologie des médias ? « Il me semble que votre interpellation ne tient pas compte de mes déclarations » rétorque Aurélie Filippetti. L’intéressée rappelle qu’elle oeuvre afin que « des aménagements soient engagés dès maintenant par les professionnels eux-mêmes, en particulier dans un contexte d’arrivée d’acteurs qui ne contribueront pas au financement de la création française et européenne, comme Netflix ou bientôt Amazon ». Sauf que cette question relève d’une concertation qui sera menée à partir du mois de septembre par le CNC, et à laquelle Jean Labadie est invité à participer.
Rue de Valois et Place Vendôme travaillent sur la lutte contre la contrefaçon commerciale
Sur le téléchargement illégal et la contrefaçon en ligne ? L’ex-opposante à Hadopi affirme qu’en « complément de la réforme de la chronologie des médias qui peut bien entendu contribuer à dynamiser le marché de la vidéo à la demande, et du volet pédagogique que constitue la réponse graduée qui demeure pertinente et opérationnelle, [elle] souhaite mettre l’accent sur la lutte contre la piraterie commerciale ». Derrière ces mots, Aurélie Filippetti affirme surtout que la riposte graduée est utile et fonctionne, contrairement à ce que soutient Jean Labadie.
S’appuyant sur les récentes recommandations de Mireille Imbert-Quaretta, Aurélie Filippetti dit vouloir « appréhender via les circuits de financement (organismes de paiement, régies publicitaires) les acteurs qui font du profit aux dépens des auteurs et des créateurs ». De plus, elle explique que ses services se sont « attelés avec la Chancellerie », c’est-à-dire le ministère de la Justice, à « un travail interministériel indispensable à la mise en œuvre des outils de lutte contre la contrefaçon en ligne », sans davantage de précision.
Le CNC va lancer un appel d’offres sur le référencement de l’offre légale
L’offre légale ? La locataire de la Rue de Valois affirme qu’il lui « semble utile qu’en parallèle des initiatives des acteurs français de la vidéo à la demande pour se fédérer ou se développer, soit mis en œuvre un dispositif de référencement des offres légales en ligne existantes en France, pour mieux orienter l’internaute dans son envie d’accéder aux œuvres ». Dans cette optique, ajoute Aurélie Filippetti, « le CNC lancera un appel d'offres à la rentrée ». Rappelons que pourtant, il existe déjà un site censé référencer les offres labellisées « offre légale » par la Hadopi, ainsi que celles « pouvant être regardées comme légales » (voir ici).
Tentant à l’évidence de se montrer policée et peu rancunière, la locataire de la Rue de Valois a fini par proposer à Jean Labadie une rencontre « début septembre, au ministère de la Culture et de la Communication, pour évoquer ces sujets et partager notre ambition et notre énergie communes au service du cinéma ». Mais au regard des propos tenus par l’intéressé dans nos colonnes, l’échange pourrait se révéler bien compliqué... « Vous vous rendez compte que ça fait deux ans et demi qu'on entend ça ? Et que ça fait deux ans et demi que quelqu'un qui a un dossier aussi important que ça n'a toujours pas trouvé des mesures à annoncer ? Aucune ! » s’est ainsi plaint le producteur (voir notre interview).