Saisie d’un litige concernant des propos jugés injurieux et dénigrants tenus sur Facebook, la cour d’appel de Bordeaux a décidé que le licenciement en question n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. L’employeur avait rapporté aux débats un simple copier/coller des phrases litigieuses, ce qui ne permettait pas de prouver qu’elles avaient effectivement été tenues de manière « publique » sur le célèbre réseau social.
Décembre 2010. Madame B. est convoquée par son employeur, responsable d’un restaurant Flunch. Ce dernier lui annonce officiellement qu’il la licencie pour faute grave, suite à des propos jugés insultants, discriminants et dénigrants à son égard ainsi qu’à celui de son établissement.
Et pour cause. Elle est accusée d’avoir eu des échanges particulièrement indélicats avec deux autres collègues sur le réseau social Facebook il y a de ça plusieurs mois, en mars 2010. « remarque s’il ne reste qu’une heure à vivre on peut mm leur casser la gueule !!! ce kon pt faire des maintenant, c est etablir une liste des prioritaires au cas ou k 1 heure ne suffise pas... j ai déjà 2 noms en tete d ailleurs... faut kon se voit !! ;) » aurait-elle ainsi écrit sur un mur d’un de ces collègues. Dans le fil de la conversation, le nom de « Patrice la pisse » aurait été évoqué, la salariée se voyant reprocher d’avoir ajouté « me serais moqué si j’avais écrit ‘ la tremblette’, mais je ne l’ai pas fait... ». Problème : le responsable du Flunch, qui se prénomme Patrice, est victime de la maladie de Parkinson, dont on sait qu’elle provoque des tremblements.
Mais si les trois employés ne se sont pas fait prendre sur le coup, une dénonciation survenue à la fin du mois d’octobre va finalement alerter le responsable de l'établissement. Avertie, l’adjointe de direction arrive à accéder au mur Facebook du collègue en question. Elle fait alors un « copier/coller » des propos litigieux afin de les rapporter à sa direction. La suite est désormais connue...
Le copier/coller des propos ne prouve pas les paramètres de confidentialité du compte
Licenciée, Madame B. n’en reste pas là. Elle saisit tout d’abord le Conseil de prud’hommes, qui donne raison au patron, estimant que le comportement de l’employée était bien constitutif d’une faute grave. De jurisprudence constante, il est généralement admis que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Pour la personne concernée, cela signifie surtout zéro indemnité, que ce soit de licenciement ou de préavis.
Mais en faisant appel, l’ex-salariée a finalement obtenu gain de cause. Et ce pour une raison de forme : « L’extrait de compte Facebook produit aux débats n’était pas suffisamment probant pour asseoir un licenciement pour faute grave » explique ainsi Maître Rocheblave, qui se fait l’écho de cette décision de la cour d’appel de Bordeaux en date du 1er avril dernier. Selon lui, le copier/coller des propos « ne permettait pas de connaître le degré d’accessibilité du compte personnel Facebook [ayant servi de support], et donc son caractère confidentiel, sachant que le supérieur hiérarchique de Mme B. n’était pas clairement désigné et que la conversation portait non pas sur l’entreprise, mais sur les personnes sur lesquelles « on pouvait dire du mal une heure avant la fin du monde... » (sic !) ».
De ce fait, le licenciement a été jugé « sans cause réelle et sérieuse ». Une décision qui a habituellement pour conséquence de permettre au salarié d’obtenir d’importants dommages et intérêts, même si ce n’est pas précisé en l’espèce.
De jurisprudence globalement constante, les magistrats considèrent aujourd’hui que le paramétrage de la page Facebook permet de déterminer s’il s’agit de propos « publics », accessibles à n’importe quel internaute, ou « privés », rentrant dès lors dans un champ de protection bien différent. Mais ici, rien ne permettait d'attester des conditions d'accès au compte, de telle sorte que le doute a finalement bénéficié à la salariée. D’ailleurs, si certains tribunaux acceptent généralement les captures d’écran, la cour d’appel d’Amiens avait considéré l’année dernière dans un litige similaire que les copies d’écran rapportées aux débats étaient également « insuffisantes à imputer de manière certaine [au salarié mis en cause, ndlr] leur rédaction et/ou à les tenir comme fautives pour concerner l’employeur lui-même et comme revêtant un caractère insultant, menaçant et dénigrant » (voir notre article).
Commentaires (130)
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Bah normal j’ai envie de dire, déjà qu’une capture d’écran de Facebook tu peux lui faire dire ce que tu veux alors un copier/coller… " />
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Et encore une dénonciation… quel monde formidable :)
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Alors qu’une démo en live avec un huissier de justice et le tour est joué.
Par contre, faudrait la condamner pour sa façon d’écrire. Honnêtement je n’ai pas tout compris ce qui était écrit… " />
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Licencié pour avoir surnommé sont patron “la tremblette” alors qu’il est atteint de parkison ?
En quoi c’est liitgieux pour la société ?
Ok, c’est le “humour” ultra noir, et sans doute très déplacé.
Mais je ne vois pas comment on pourrait être licencié pour “ça”.
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Mais est-ce qu’en 2010 Facebook avait déjà un système de visibilité des messages sur les murs des gens ?
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Pfff, ça veut dire que ma plainte basée sur un .txt écrit fournit par mes soins ne passera pas " />
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celui de Snowden ?
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Eh la rédaction, vous pourriez pas trouver une autre photo pour illustrer un tribunal car là, elle est bien lugubre et flippante vot’ photo. On dirait qu’il y a une chaise électrique ou une guillotine derrière la porte. " />
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Plusieurs disent que c’est privé sur la personne : sauf que la personne est le responsable du resto : comment garder un(e) employé(e) qui insulte, rabaisse, attaque le responsable du resto par écrit, de manière répétée (et donc publique?) : ce n’est pas possible. D’où la faute.
Enfin c’est mon avis et je le partage avec moi-même " />
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remarque s’il ne reste qu’une heure à vivre on peut mm leur casser la gueule !!! ce kon pt faire des maintenant, c est etablir une liste des prioritaires au cas ou k 1 heure ne suffise pas… j ai déjà 2 noms en tete d ailleurs… faut kon se voit !! ;)
Effectivement c’est une faute grave envers la langue française " />
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Faudrait peut être la condamner à des TIG, genre aller à l’école pour apprendre à écrire.
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>une dénonciation survenue à la fin du mois
>d’octobre va finalement alerter le responsable
>de l’établissement.
Et après certains sont fier d’avoir plein d’amis … " />
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Et si je fais ma capture avec un calque et un crayon ça passe ?
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Au vu de la qualité de la rédaction du message : est-ce qu’on peut licencier quelqu’un pour “faute d’orthographe/grammaire grave” ?
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Je note (encore) un bel exemple de l’ignorance et du manque de compréhension informatique du pékin moyen.
Les gens adorent publier partout leurs petites humeurs et les petits détails insignifiants de leur petite vie. Mais il faudra un jour qu’ils comprennent que publier, c’est rendre public, donc lisible par n’importe qui, et surtout laisser une trace, une preuve. Rien à voir avec une conversation téléphonique.
Chouiner ses petites humeurs sur Facebook, c’est fournir le bâton pour se faire battre.
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hé les gars, la dame aurait très bien pu être virée de façon normale.
mais pas pour faute grave… parce que le type a voulu lui faire payer ça très cher : aucune indemnité de licenciement + pas de chômage + réputation pourrie
Un patron peut toujours vous virer du jour au lendemain (enfin avec préavis) qu’il y ait insulte ou pas.
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Dans ce cas-là, comment prouver des propos litigieux si le copier-coller et la capture d’écran ne suffisent plus ? Télécharger Fraps et faire une vidéo de son bureau où on lance manuellement Chrome, tape www.facebook.com et navigue vers la page litigieuse ? " />
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Le fond de l’affaire est que le gars a des tremblements quand il va pisser, du coup il s’en met partout et ça pue dans tout le restaurant. D’où son surnom. " /> Affaire classée.
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7 mois après les faits ??? " />
Pour qu’elle soit grave, la faute doit être sanctionnée rapidement (et non pas environ deux mois plus tard après l’entretien préalable - cf Cour de cassation, 7 avril 1993, ou près de deux mois après la faute, même si le terme du délai de prescription n’est pas atteint).
et
il doit s’agir d’une faute d’une gravité telle que l’employeur doit se séparer immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche des activités de son entreprise.
Donc ça devrait même pas tenir devant les prud’hommes c’t’affaire là. " />
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Qui peut le plus peut le moins, bien évidemment qu’on n’est pas forcé de licencier pour faute grave.
Non: en France si on licencie sans pouvoir apporter la preuve soit d’une cause économique réelle, soit d’un problème réel de la personne pour assurer le job qu’on lui demande, la personne peut contester le licenciement aux Prud’hommes pour licenciement abusif.
Le salarié licencié pourra saisir le Conseil de prud’hommes s’il estime que certaines conditions n’ont pas été respectées (conditions de forme) ou si le licenciement n’est pas justifié par des motifs sérieux et réels (conditions de fonds).
Parmi les conditions de forme, la lettre de licenciement adressée au salarié doit être motivée. Cela signifie que la lettre doit comporter l’énumération exhaustive des motifs du licenciement. L’employeur ne pourra pas invoquer devant le Conseil de prud’hommes d’autres motifs que ceux rédigés dans la lettre de licenciement.
Concernant les conditions de fond, le licenciement ne sera valable que s’il intervient pour des causes réelles et sérieuses. Ainsi, le salarié doit par exemple faire preuve d’incompétence objective pour que son employeur puisse le licencier.
Les conséquences du licenciement abusif
Lorsqu’un licenciement est jugé abusif de la part de la juridiction compétente, l’employeur se voit contraint d’allouer des dommages et intérêts au salarié licencié. Ces dommages et intérêts, dont le montant est apprécié par le juge, sont censés réparer le préjudice matériel et éventuellement moral subi par le salarié. En outre, si le licenciement intervient dans une entreprise d’au moins 11 employés et que le salarié concerné dispose d’au moins deux ans d’ancienneté, il donnera lieu à des sanctions assez strictes. En effet, les dommages et intérêts seront au moins équivalents à six mois de salaire du salarié conformément à l’article L1235-3 du Code du travail.
source
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Et quitte à faire du HS, une perle sur laquelle je viens de tomber:
Un salarié peut parfois abandonner son poste de travail ou ne pas rejoindre l’entreprise, par exemple après un congé. Il est alors fréquent que l’employeur prenne acte de rupture du contrat de travail et considère le salarié comme démissionnaire. Mais même si l’employeur envoie une lettre recommandée avec accusé de réception, il commet là une imprudence en terme de procédure.
En effet, en droit du travail, la démission suppose, de la part du salarié, une volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail (comme en cas d’envoi d’une lettre de démission par exemple). Conséquence : les tribunaux considèrent que le fait de ne pas exécuter son contrat de travail ne peut pas être assimilé à une démission. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par l’employeur est alors assimilée à un licenciement, sans cause réelle et sérieuse puisque la procédure n’a pas été respectée.
Procédure de licenciement
Pour éviter d’avoir à payer des dommages-intérêts au salarié, l’employeur doit donc impérativement :
Un abandon de poste peut être sanctionné dans un délai de deux mois.
Donc en gros, si je comprends bien, en tant qu’employeur, tu as un gugus qui ne vient plus au boulot du jour au lendemain:
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Non mais sans déconner, signaler un crime et dénoncer son collègue c’est pas du tout le même registre non ? ;)
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Ouh la photo ! c’est un tribunal de quelle époque ?
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Je me demande bien pourquoi les employées avaient envie de casser la gueule à la patron s’il leur restait plus qu’une heure à vivre ? Peut-être était-ce un salopard ? Va savoir ?
Moi ce qui me chiffonne, c’est qu’un mur FB puisse être considéré comme des propos publics même si elle est une correspondance privée.
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