François Hollande a apposé hier sa signature au projet de loi « pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ». Le texte, qui accentue la responsabilité des intermédiaires techniques et instaure un nouveau délit de cyber-harcèlement, entrera donc en vigueur demain.
Déposé devant le Sénat le 3 juillet 2013, le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem vient de finir définitivement son processus législatif, et ce après deux lectures devant chaque assemblée. Publié ce matin au Journal Officiel suite à sa promulgation par le chef de l’État, le texte est devenu la « loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ».
Des dispositions sur les intermédiaires adoptées en dépit des contestations
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’expliquer, son article 57 vient modifier la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004. Dorénavant, les intermédiaires techniques, FAI et hébergeurs, auront l’obligation de mettre en place un dispositif de signalement de tout contenu appelant « à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ». Un tel dispositif existe d’ores et déjà, mais uniquement pour les contenus pédophiles, négationnistes ou racistes.
Une fois avertis, les intermédiaires devront transmettre ces signalements à Pharos, cette plateforme gérée par une équipe de policiers et de gendarmes - et qui semble déjà bien surchargée. Ils seront également tenus d’empêcher l’accès aux écarts de langage « manifestement illicites », mais ne rien faire face aux mauvaises blagues sur les blondes et autres expressions d’humour gras, comme l’ont souligné les débats parlementaires... Pas simple.
C’est d’ailleurs pour cette raison que ces dispositions ont été vivement contestées, que ce soit par La Quadrature du Net, le Conseil national du numérique et même par la majorité. Rappelons en effet qu’au mois de janvier, l’ensemble des députés du groupe socialiste, sous l’impulsion d’Axelle Lemaire (qui n’était pas encore entrée au gouvernement), avait déposé un amendement visant à la suppression complète de cet article. « Les hébergeurs ne sont pas en mesure de juger efficacement de la licéité des contenus – sachant que, de surcroît, le Conseil constitutionnel leur demande d’opérer un jugement manifeste et non pas certain » avait alors déclaré la future secrétaire d’État au Numérique, qui craignant la censure des Sages de la Rue Montpensier. L’intéressée avait cependant ravalé ses critiques après que Najat Vallaud-Belkacem lui ait fait miroiter des garanties futures au travers du projet de loi sur le numérique.
Un nouveau délit pour le cyber-harcèlement
Mais un autre point devrait intéresser le secteur des nouvelles technologies : l’article 41, qui instaure un nouveau délit réprimant spécifiquement le cyber-harcèlement. Dorénavant, « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » sera pénalement répréhensible d’une peine maximale de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, dès lors que cette infraction sera commise par le biais « d’un service de communication au public en ligne », tel qu’Internet. La sanction encourue pourra même passer à trois ans de prison et à 45 000 euros d’amende dans l’hypothèse où la victime serait un mineur de moins de 15 ans, une personne vulnérable (âgée, handicapée, etc.) ou subissait une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours.
Là encore, ces dispositions n’avaient pas fait l’unanimité. Outre l’avis défavorable du Conseil national du numérique, à nouveau, l’on pourra souligner l’avertissement du rapport sur la cybercriminalité remis en juin dernier par le magistrat Marc Robert. Ce dernier soutenait que « l’incrimination spécifique du harcèlement par le biais d’un réseau de communication électronique ne paraît pas répondre à une évidente nécessité eu égard aux incriminations déjà existantes, notamment en matière de violences ». Autrement dit, aux yeux du rapporteur, il n’était pas utile de muscler davantage notre droit, lequel lui paraissait suffisamment adapté en l’état.
Rappelons enfin que si le Conseil constitutionnel a été saisi de ce projet de loi, il n’en a examiné qu’une partie, sans lien avec les deux articles évoqués précédemment. Il serait donc en ce sens possible qu’un jour, la haute juridiction puisse être amenée à contrôler la conformité de ces deux articles aux textes fondateurs, suite à une ou plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).