Interrogé par les CNIL européennes, Google a donné plusieurs éclaircissements dans sa mise en œuvre du droit à l’oubli, droit reconnu à tous les Européens suite à une décision de la Cour de Justice de Luxembourg. Et le moins que l’on puisse dire est que les avis divergent avec les autorités de contrôle.
Questionné par les CNIL européennes, Google a donné plusieurs pistes (PDF) dans la mise en œuvre du droit à l’oubli européen imposé par la CJUE. Depuis un arrêt du 13 mai 2014 en effet, les moteurs sont considérés comme responsables des données nominatives transitant dans leurs algorithmes, et doivent par conséquent effacer les données inopportune, périmée ou inappropriée.
Un droit à l’oubli mondial ?
Les autorités de contrôle voient cependant d’un mauvais œil la mise en œuvre du droit à l’oubli par Google. Pourquoi ? Elles lui reprochent de le limiter aux seules pages européennes. « Si vous délistez uniquement sur google.fr, par exemple, le droit à l'oubli est nettement affaibli » a regretté voilà peu Isabelle Falque-Pierrotin. Gwendal Le Grand, à la tête de la direction des technologies et de l'innovation, à la CNIL, considère que cette problématique pose la question « de l’effectivité » du droit à l’oubli.
Si en temps normal, la société déréférence au stade national, elle a décidé en application de la décision de la CJUE, d’étendre cette mesure à toute l’Union européenne. Cependant, le moteur n’entend pas aller au-delà pour nettoyer ses pages hors UE, dont son Google.com. Dans sa réponse à la présidente de la CNIL et du groupe de l’article 29, le moteur rétorque en effet qu’il n’analyse pas cet arrêt « comme ayant une portée mondiale », car « c’est l’application du droit européen qui régule les services offerts aux Européens ». D’ailleurs, à quoi bon ? Google rappelle qu’il redirige automatiquement les visiteurs du.com vers le service local concerné (Google.Fr, Google.it, etc.) et seulement 5 % des Européens – essentiellement des voyageurs - utilisent sa version américaine.
Un droit à l’oubli silencieux ?
Autre reproche fait par les autorités de contrôles européennes sur les données personnelles : Google alerte les sites dont les pages ont été partiellement déréférencées. Pour la CNIL, ces sites doivent ignorer ces coups de ciseaux, car ce ne sont que des tiers dans ce dossier opposant le titulaire du droit à l’oubli et le moteur.
La procédure choisie par Google agace donc les autorités de contrôle qui voudraient installer un silencieux sur le moteur. Elles ont d’ailleurs demandé à Google les fondements légaux de cette alerte. « Puisque nous ne partageons aucune donnée personnelle avec le responsable du site, répond l’entreprise américaine, nous ne pensons pas que cette notification nécessite une justification au regard des dispositions sur la protection des données personnelles ». La firme de Mountain View n’adresse en effet au responsable du site qu’une URL, sans donnée nominative : du coup, « les données personnelles qui peuvent être trouvées à l’adresse spécifique, ne font pas partie des données qui sont gérées par Google dans les informations ainsi partagées. » Bref, circulez !
Cette procédure d’alerte, ajoute encore Google, répond à un objectif de transparence. Elle permet aussi de corriger d’éventuelles erreurs de retraits. Dans certains cas, des concurrents peuvent être tentés d’abuser du droit à l’oubli pour réduire la présence d’un autre site. Une pratique très fréquente en matière de droit d’auteur, tacle l’entreprise.
Des difficultés dans la mise en œuvre de ce droit à l’oubli
Parmi les autres réponses apportées, on apprend que Google a plutôt tendance à refuser les déréférencements de contenus demandés par celui qui en est à l’origine. La société l’invite alors à retirer le contenu initial, de lui-même et à empêcher son indexation dans les moteurs. Autre chose, ce droit à l’oubli ne concerne pas seulement Google, mais également la partie Image et News.
La mise en œuvre de ce droit soulève des difficultés parfois importantes, faisant toussoter le moteur. Celui-ci cite le cas d’utilisateurs qui ont soumis de nombreuses URL afin de demander le déréférencement d’homonymes. D’autres ont fait des demandes, mais en rabotant quelques faits qui n’étaient pas en leur faveur. Google imagine en guise d’exemple le cas d’une personne condamnée pour crime lors de son adolescence, qui omettrait de préciser que l’article dont elle demande le déréférencement reste d’intérêt. Et pour cause : devenue adulte, cette même personne oublie de préciser qu’elle a depuis commis de nouveaux crimes.
Selon les derniers chiffres du droit à l’oubli chez Google, la France reste le numéro un avec 17 500 demandes, suivie par l’Allemagne (16 500), les Britanniques (12 000), les Espagnols (8 000), les Italiens (7 500) et les Néerlandais (5 500).