Le Conseil constitutionnel ne s’étant pas penché sur l’article en question lors de son analyse de la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le texte entrera prochainement en vigueur, une fois le texte publié au Journal Officiel. Les 60 sénateurs qui l’ont mobilisé n’ont pas en effet soulevé le moindre problème de constitutionnalité sur cet article, et le juge ne s’est pas davantage saisi d’office. Il faudra donc attendre une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité pour connaître la conformité de cette disposition aux textes fondateurs.
Le projet de loi sur « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » est en passe de terminer sa course parlementaire. En Commission mixte paritaire, chargée d’arbitrer le texte entre l’Assemblée nationale et le Sénat, députés et sénateurs ont donné les derniers coups de truelle à l’édifice qui va accentuer la responsabilité des intermédiaires.
Dans le bras de fer entre les députés et les sénateurs, c’est finalement les premiers qui l’ont emporté. La Commission mixte paritaire (CMP) a validé l’obligation prochaine pour les intermédiaires techniques de mettre en place un dispositif d’alerte afin que quiconque puisse leur signaler les abus de la liberté d’expression en ligne (article 17 du projet de loi).
Si à ce jour, ce dispositif ne concerne que les contenus pédophiles, négationnistes ou racistes, les parlementaires et Najat Vallaud Belkacem, ministre des droits des femmes, comptent bien y ajouter les contenus appelant « à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ». Par contre la CMP n’a pas souhaité ajouter à la liste des signalements possibles ce que proposait le Sénat, à savoir le signalement des vidéos de happy slapping.
C'est l'histoire d'une blonde...
Hors happy slapping, ces contenus pourront en tout cas être signalés à tous les FAI et hébergeurs, lesquels devront transmettre ces messages à Pharos, la plateforme gérée par l’office central contre la criminalité. Ils devront également empêcher l’accès aux écarts de langage « manifestement illicites », mais ne rien faire face aux mauvaises blagues sur les blondes et autres humours gras. Pas simple. Sauf pour le rapporteur PS à l'Assemblée nationale, le député Sébastien Denaja pour qui les intermédiaires sauront ignorer les contenus « visant à moquer simplement quelqu’un sur son sexe ou éventuellement son orientation sexuelle, même si par ailleurs on pourrait le regretter. Ce n’est pas une société de censure qui va s’instaurer après l’adoption de cet article 17. » (notre dossier et notre émission 14h42 montée avec Arrêt sur images).
Ce projet de loi a été l’occasion d’un symptomatique moment politique au sein de la majorité. On rappellera que Axelle Lemaire, l’actuelle ministre déléguée au Numérique était vent debout contre cet article 17 du projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem. Dans un amendement déposé avec Christian Paul, celle qui était alors députée expliquait que « les hébergeurs ne sont pas en mesure de juger efficacement de la licéité des contenus – sachant que, de surcroît, le Conseil constitutionnel leur demande d’opérer un jugement manifeste et non pas certain. Tout cela s’étant fait dans l’opacité la plus totale, nous ne connaissons pas les critères utilisés par les intermédiaires. J’ajoute que les réticences que j’exprime sont également relayées par des organismes officiels tels que la CNIL ou le CNN (…) ». Elle avait finalement ravalé ses critiques alors que NVB lui promettait d’apporter des garanties dans le futur mais désormais très hypothétique projet de loi sur les libertés numériques.