Le député Lionel Tardy a obtenu de la ministre de la Justice, Christiane Taubira sa réponse quant au périmètre de plusieurs dispositions du code de procédure civile qui permettent de récupérer des données parfois très sensibles sur la vie privée des internautes.

Des mesures d’urgence prévues par le Code de procédure civile peuvent être mise en œuvre, parfois sans principe du contradictoire, afin de tenter de récupérer des données pouvant « relever de la vie privée d'abonnés (liste des correspondants téléphoniques ou courrier électronique, contenu de l'espace de stockage...), couvertes par le secret des correspondances (contenu des correspondances échangées) ou sur un périmètre excédant les prescriptions légales (communication de données portant sur une période au-delà d'un an, données de navigation des utilisateurs) » regrette le député Lionel Tardy.
Cette capacité à demander tout et n’importe quoi vient de la rédaction des 145, 809 et 812 du Code en question. Le premier par exemple, est rédigé en des termes très flous : « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Transmission de données très personnelles
Ainsi, constate encore le député de Haute-Savoie, « des demandes formulées dans des termes trop génériques peuvent aboutir à la transmission de données concernant des tiers aux litiges, entraînant une atteinte disproportionnée aux libertés publiques ». Lionel Tardy avait ainsi questionné la ministre de la Justice en janvier dernier sur le nécessaire encadrement de ce mécanisme ouvert à tous les vents. Christian Taubira vient de lui répondre en confirmant deux points fondamentaux.
D’une part, dans la mise en œuvre de l’article 145 du code de procédure civile, le juge doit dans tous les cas tenir compte du « respect de la vie privée de l'utilisateur des services de communications électroniques ou de tiers ». D’autre part, le tiers destinataire peut s’opposer à ces mesures en avançant un « empêchement légitime » face à la gourmandise des mesures d'instruction ordonnées par un juge, sur des données qui n’ont pas à être demandées par ces voies, ou hors cadre. Dans la pratique, une ordonnance fondée sur le 145 CPC n'est rien d'autre qu'un document rédigé par l'avocat de la partie à l'origine de la demande. Après examen, le juge se contente alors d'apposer sa signature pour lui donner une force exécutoire.
« Au vu de l'ensemble de ces dispositions, qui assurent un équilibre satisfaisant entre les intérêts en présence, tempère la ministre, il n'apparaît pas nécessaire d'apporter en l'état de modification au droit existant étant par ailleurs rappelé que le principe constitutionnel de l'indépendance de la justice interdit la délivrance d'instructions à l'autorité judiciaire, qui apprécie, dans chaque affaire, la proportionnalité des mesures ordonnées compte tenu des droits en présence ». Cependant, cette réponse parlementaire donne de bonnes pistes pour les FAI face à des demandes un peu trop ambitieuses sur le fondement de ces articles.