Lors de la table ronde sur les nouveaux usages de la télévision organisée fin juin, plusieurs chaînes ont été interrogées sur le fait de savoir si, oui ou non, il fallait muscler la régulation du CSA sur les contenus diffusés sur Internet. C'est peu de le dire, les soutiens ont été rares et prudents.
Olivier Schrameck, président du CSA
Lors de cette réunion organisée par le groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies, la sénatrice Catherine Morin-Desailly, a posé cette question aux différents représentants des chaînes de télévision : « le CSA a formulé des propositions, notamment celle d'étendre son champ de compétences à la régulation sur l'Internet. Cela vous semble-t-il réaliste, compte tenu du fait que nombre de contenus échappent à la possibilité d'une régulation et qu'Internet n'a pas de frontières ? »
« Attention, quand on contraint trop, l'offre diminue ! »
Autant le dire, cette idée a été accueillie tièdement, notamment chez TF1. Olivier Abecassis, directeur général d'e-TF1 : « notre message aujourd'hui est quand même d'éviter de faire peser trop de contraintes. Surtout si ces contraintes, au final, pèsent sur les seuls acteurs français comme on le voit au travers du décret SMAD que les acteurs internationaux ne respectent pas parce que le pouvoir du CSA de sanctionner un acteur international n'est évidemment pas le même. »
Le représentant de la première chaîne résumera son message : « premièrement « attention quand on contraint trop, l'offre diminue ! ». Deuxièmement : il faut garantir à la fin que tout le monde sera traité à la même enseigne sinon il y aura des distorsions de concurrence. Soyons prudents à cet égard. » Et celui-ci de souligner que le décret sur la régulation des SMAD, les services de médias audiovisuels à la demande, « a probablement quelques postulats de base qui ne sont pas les bons et, surtout, qui développent encore les distorsions de concurrence. »
Même tiédeur à France Télévisions et Arte
Philippe Deloeuvre, directeur de la stratégie de France Télévisions ira dans le même sens que TF1 : « la régulation d'Internet est un sujet d'une grande complexité, pour ne pas dire plus. La tentation est souvent de recourir à des métaphores ou d'élargir des concepts qui, au fond dans le monde actuel de l'Internet, ne sont pas opératoires. J'entends souvent parler d'élargissement du « must carry » au numérique (une des propositions du rapport Lescure et du CSA, NDLR], mais on oublie que le « must carry » a été créé dans un univers fermé constitué de quelques chaînes, pour des produits éditoriaux qui étaient diffusés sur des chaînes linéaires relativement homogènes. Et on se trouve aujourd'hui dans une situation complètement opposée : une offre quasiment infinie et un système complètement ouvert. Cette régulation, il faut faire attention à ne pas trop y mettre de contraintes d'autant que plus on va créer de contraintes, plus elles seront caduques avant même d'être mises en oeuvre. »
Chez Arte France, Agnès Lanoë, directrice de la prospective et de la stratégie, la prudence est également de mise : « plutôt que de dire que le CSA pourrait réguler l'Internet, ce qui n'est pas possible, il serait préférable d'élargir l'obligation de déclaration [des SMAD, NDLR], en y intégrant un maximum d'acteurs ce qui posera la question de la définition des distributeurs, des éditeurs par rapport aux hébergeurs et aux autres acteurs. » Mais pas plus.
Bref, résumera Catherine Morin-Desailly, vice-présidente de la commission de la culture, « la question de la régulation de l'Internet par le CSA reste quelque chose qui paraît assez utopique et d'une extrême complexité même si c'est une vraie question qui est posée. »