Annoncés en juillet dernier, les 5000 licenciements d'Alcatel-Lucent se sont finalement transformés en 5490 suppressions de postes. Et comme redoutés par les syndicats, la France va particulièrement souffrir, avec 1430 départs prévus, soit 15 % de son effectif total, et 27 % de tous les licenciements. Les syndicats, ainsi qu'Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin ont réagi à cette mauvaise nouvelle.
10 % de départs de plus qu'annoncés
Comme prévu, le géant des équipements télécoms Alcatel-Lucent a dévoilé de nombreux détails hier, en ce jeudi 18 octobre 2012. Et les nouvelles ont été loin d'être positives pour les syndicats. Non seulement, les 5000 départs initialement annoncés cet été ont été majorés de 490 postes supplémentaires, mais la France est la principale cible du Programme Performance, qui vise à sacrifier toutes les divisions déficitaires, afin de faire face aux concurrents étrangers (notamment Chinois).
Dans les détails, selon la direction, 3300 suppressions d'emplois seront réalisées en Europe, dont 1430 en France, 530 en Allemagne, 290 en Belgique et 180 en Espagne pour les plus touchés. Et 2190 postes seront supprimés en-dehors de l'Europe, dont une part non négligeable en Inde et environ 1200 personnes en Amérique. Les États-Unis seront peu touchés.
La Belgique et l'Espagne durement touchées (en pourcentage)
Voici d'ailleurs ci-dessous un tableau récapitulatif des futurs licenciements en Europe, avec le pourcentage des effectifs concernés.
Pays | Effectif actuel | Licenciements prévus | Pourcentage |
France | 9380 | 1430 | 15,2 % |
Allemagne | 3430 | 530 | 15,4 % |
Belgique | 1610 | 290 | 18 % |
Espagne | 1040 | 180 | 17,3 % |
UK/Irlande | 1500 | 130 | 8,6 % |
Pays-Bas | 445 | 70 | 15,7 % |
Pologne | 900 | 70 | 7,77 % |
Italie | 1900 | 35 | 1,8 % |
Portugal | 150 | 25 | 16,6 % |
Suisse | 350 | 25 | 7,1 % |
Autriche | 425 | 25 | 5,8 % |
Roumanie | 1380 | 20 | 1,4 % |
Bulgarie | 2180 | 0 | 0 % |
On remarque immédiatement qu'il existe trois groupes de pays en Europe pour Alcatel. D'un côté, celui où les tranches sont les plus dures, à savoir en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Portugal, et surtout en Espagne et en Belgique. Un deuxième groupe où les coupes sont modérées, notamment au Royaume-Uni, en Pologne, en Suisse et en Autriche. Et enfin, les pays où les licenciements seront nuls proportionnellement à l'effectif, à savoir en Italie, en Roumanie et en Bulgarie.
L'administratif et le commercial principalement concernés
Pascal Homsy, le président d'Alcatel-Lucent, dans un communiqué envoyé à ses employés et que nous nous sommes procurés, explique ainsi que ce programme de licenciements devra être mené à bien d'ici fin 2013. « La réduction de postes portera principalement sur les fonctions de support au niveau administratif et commercial et concernera les entités Alcatel-Lucent France, Alcatel-Lucent International, RFS, Alcatel-Lucent Bell Labs, Activités Verticalisées » précise-t-il.
Affirmant qu'il engagera sous peu le dialogue avec les syndicats, Pascal Homsy promet que sa société accompagnera « individuellement chacun des salariés concernés pour l’aider à trouver la solution qui sera la mieux adaptée à sa situation individuelle ».
« Une catastrophe humaine et industrielle »
Ces propos n'ont cependant pas suffit à calmer l'ire des syndicats. La CFDT, la CGT et la CFE-CGC d'Alcatel-Lucent ont ainsi publié hier un communiqué amer. Pour ces derniers, ces 1430 suppressions d'emplois sont ni plus ni moins qu' « une catastrophe humaine et industrielle. (...) Alors que la France représente moins de 12% des effectifs du groupe, les licenciements représentent plus de 27% du total. »
Pire, selon les syndicats, la direction, à l'origine de ce nouveau plan, n'a « aucune légitimité » dès lors qu'elle a elle-même pensé et appliqué « toutes les précédentes stratégies : au plus près du client, dissémination de la R&D avec perte de maîtrise, délocalisations, externalisations... Elles ont toutes échoué. »
Estimant que les employés ne sont plus qu'une simple variable d'ajustement, les syndicats fustigent la direction pour le fait de trancher dans le vif en Europe et notamment en France, et beaucoup moins à l'étranger. La faute notamment aux anciens clients européens d'Alcatel-Lucent, partis vers d'autres cieux, alors que les cliens américains et asiatiques, eux, continuent de faire confiance en la société.
Les opérateurs télécoms français plus anti-français que les opérateurs étrangers ?
Les syndicats d'Alcatel-Lucent attaquent aussi à boulets rouges sur les opérateurs télécoms, qui « tirent les prix des constructeurs vers le bas et font aussi appel aux équipementiers chinois ou aux enchères inversées. En France, l’arrivée de la 4ème Licence a accéléré le phénomène et nous fait perdre du chiffre d’affaires sur le périmètre France. »
Un constat qui pousse les syndicats à faire appel aux autorités françaises et européennes afin qu'elles s'occupent de ce dossier « si elles veulent vraiment sauver ce qu'il reste d'industrie stratégique Télécoms en France et en Europe ».
Les fonctions les plus stratégiques d'Alcatel doivent rester en France
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée notamment de l'Innovation et de l'Économique numérique, se sont dits dans un communiqué conjoint « préoccupés par les difficultés d'Alcatel-Lucent ». Afin de soutenir les équipementiers, le gouvernement souhaite notamment relancer les investissements des opérateurs télécoms dans les réseaux à très haut débit. Sans plus de précision autre que les anciens communiqués dévoilés ces derniers jours.
Avec Michel Sapin, le ministre du Travail et de l'Emploi, les deux ministres annoncent qu'ils « seront extrêmement vigilants à ce que le projet d’Alcatel-Lucent préserve les fonctions les plus stratégiques du groupe en France. Ils veilleront à ce qu’un dialogue exemplaire soit mis en place avec les organisations syndicales afin notamment de trouver une solution d'emploi à chaque salarié qui pourrait être concerné par le projet annoncé. »
Des propos qui ne devraient pas suffire aux syndicats d'Alcatel-Lucent. La prochaine grande échéance aura lieu fin novembre nous a affirmé la CFDT d'Alcatel-Lucent, joint au téléphone. Les premiers licenciements n'auront pas lieu avant l'an prochain nous a-t-on assurés.