En un peu plus d’un an, Google a reçu de la part d’ayants droit près de 300 demandes visant à obtenir le déréférencement d'une ou de plusieurs pages du site ChillingEffects. Or cette plateforme, gérée par des universitaires et des associations, héberge depuis une dizaine d’années les précédentes demandes de déréférencement adressées bien souvent pour le compte de ces mêmes ayants droit... Explications.
« En n’enlevant pas les informations sur les URL litigieuses identifiées dans les requêtes, [le site ChillingEffects.org] est effectivement devenu le plus grand répertoire d'URL hébergeant des contenus illicites sur Internet ». Avec ces quelques mots prononcés en mars dernier devant le Congrès des États-Unis, Sandra Aistars résumait relativement bien la pensée de nombreux ayants droit américains. Cette représentante de la Copyright Alliance, une organisation réunissant de puissants lobbys tels que la MPAA et la RIAA, s’attaquait ainsi au site qui stocke et publie, au nom de la transparence et de la liberté d’information et d’expression, la plupart des demandes de retrait transmises aujourd’hui aux géants du Net.
Un ayant droit demande à Google de ne plus afficher un lien vers The Pirate Bay dans son moteur de recherche ? La requête sera mise en ligne sur ChillingEffects. Une association demande à Twitter de bloquer l’accès à un tweet jugé raciste ou antisémite ? La requête sera mise en ligne sur ChillingEffects. La MPAA demande à Github de retirer de son site le code source de « PopCorn Time », considéré comme le Netflix des pirates ? La requête sera mise en ligne sur ChillingEffects. Et ce quelle que soit la suite accordée à la demande.
Au bout d’une dizaine d’années de fonctionnement, on imagine donc vite le nombre astronomique de liens contenus dans cette gigantesque base de données. Rien que le mois dernier, Google a par exemple été prié de déréférencer près de 25 millions d’URL, lesquelles renvoyaient principalement vers du contenu « pirate » (hébergé notamment sur Rapidgator, mp3juiced ou Uploaded). De fait, c’est aussi un espace contenant de nombreuses « bonnes adresses » de sites proposant des contenus illicites qui s’est progressivement constitué...
L'idée ? Déréférencer des pages de ce « répertoire » de sites pirates
Mais afin de limiter la portée de ce « plus grand répertoire » d’URL pirates, des petits malins ont eu une idée époustouflante : demander à Google de déréférencer... des demandes de déréférencement ! Plus concrètement, ils ont invité le géant de l’internet à ne plus afficher dans son moteur de recherche des pages du site ChillingEffects sur lesquelles se trouvaient de précédentes demandes de déréférencement. Une requête pour en cacher une autre en quelque sorte, mais uniquement sur Google...
Un des derniers exemples en date, remarqué par TorrentFreak : cette demande adressée à la firme de Mountain View le 4 juillet et émise par la société spécialisée LeakID. Google était prié de déréférencer plus de 800 URL, au motif que celles-ci porteraient manifestement atteinte aux droits d’auteurs relatifs au film « Young Detective Dee : Rise of Sea Dragon ». Sauf qu’aux côtés des traditionnels sites de liens peer-to-peer, se trouvaient cinq pages du site ChillingEffects. Toutes correspondaient à d’autres demandes de déréférencement adressées plusieurs mois plus tôt à Google à propos de ce même film.
Sans surprise, Google n’a pas procédé au déréférencement de ces pages du site ChillingEffects. En principe, il faut que le contenu illicite soit hébergé sur la page notifiée par les ayants droit pour que le moteur de recherche procède à la purge.
Mais ce type de demande n’est absolument pas un cas isolé. Une précédente requête datant de mars dernier peut par exemple être consultée ici. D’ailleurs, depuis le mois d’avril 2013, où nous avions consacré un article à ce phénomène, on constate que la firme de Mountain View a été invitée à déréférencer plus de 900 pages du fameux site... Parmi les ayants droit les plus « demandeurs », on retrouve la chaîne HBO (qui produit notamment Game of Thrones), Microsoft ou bien encore NBC Universal.
Rappelons enfin que même lorsque Google procède au déréférencement d'une URL, il indique en bas de ses résultats de recherche correspondants qu'une page a été supprimée en raison d'une requête relative au droit d'auteur. Un lien est alors proposé à l'internaute, lequel le renvoie vers la copie de la demande, hébergée sur ChillingEffects.