Astuce de Free : la Fédération Française des Télécoms à la manœuvre

Brèche et filon

À ce jour, la Commission européenne n'a toujours pas donné de feu vert aux différents projets destinés à colmater l’astuce utilisée par Free depuis 2011 pour payer moins de taxes affectées au Centre national du cinéma (CNC). Mais alors que les échanges entre Paris et Bruxelles se poursuivent, la Fédération Française des Télécoms (qui rassemble les FAI les plus importants, sauf Free) vient de se positionner en faveur d'un dispositif « non discriminatoire », calculé en fonction des usages des services « effectifs » de télévision.

fft

 

Pour rappel, le CNC perçoit depuis le 1er janvier 2010 les redevances relatives à la taxe sur les services de télévision (TST), qui sont dues par les éditeurs et distributeurs de services de télévision, dont les FAI proposant une offre de télévision. Or, pour diminuer le montant à reverser à l’établissement public, Free a trouvé une astuce légale consistant à isoler la partie « télévision » de son offre triple play, afin de réduire à une portion modeste le montant sur lequel calculer la taxe à reverser au CNC. En l’occurrence, 1,99 €.

 

Toutefois, ce contournement suscite la jalousie des autres opérateurs, qui ont dès lors tentés de l’imiter. On notera d’ailleurs que SFR a récemment opéré une séparation qui n'est pas sans rappeler l’astuce de Free. En effet, le FAI a annoncé fin septembre que ses clients disposant de services de télévision seraient facturés 3 euros par mois. Contacté, l’opérateur s’est néanmoins défendu de toute arrière-pensée fiscale. « Le choix de SFR d’isoler la TV en option est une réponse à une demande client ».

 

Sous la pression du CNC et des professionnels du secteur, qui militent pour un nouveau mode de calcul de l’assiette de la TST, plusieurs projets de taxe ont été élaborés, afin de colmater la faille. Seulement, la Commission européenne a toujours retoqué ces projets, jugés incompatibles avec la législation de l’Union. Mais alors que la ministre déléguée à l’Économie numérique, Fleur Pellerin, annonçait fin septembre qu’elle allait déposer un énième projet, censé être inscrit au projet de loi de finances 2013, les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel n’ont pas hésité à remettre en cause l’attitude de la Commission européenne. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes de la SACD, nous expliquait ainsi en début de semaine que le projet de taxe était bloqué pour des motifs politiques. « On est plus sur un discours politique de Bruxelles que sur de véritables arguments juridiques qui s’opposeraient à ce que la France puisse faire valider définitivement son système ».

 

Après les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel - qui militent pour une taxe basée sur un élargissement de l’assiette de la taxe (par exemple aux offres mobiles comportant des services de télévision), mais aussi sur l’évolution du chiffre d’affaires des FAI - c’est au tour de la Fédération Française des Télécoms (FFT) de faire valoir ses positions. L’organisation, qui regroupe la plupart des FAI (Bouygues, Orange, SFR,...) sauf Free, en appelle en effet à un système qui assujettisse les distributeurs de manière « non discriminatoire », mais aussi en fonction des usages.

Pour une taxe sur les services « effectifs » de télévision

« Ainsi que l’a précisé la Commission européenne, seules des offres comprenant une distribution commerciale effective de services de télévision devraient être assujetties à la TST, explique la FFT. Nous proposons donc, pour tenir compte de la différence d’usages constatée aujourd’hui, que le niveau de taxation des offres mobiles incluant un service de télévision soit nettement inférieur à celui des offres fixes, dans un facteur de l’ordre de 1 pour 10, ce ratio pouvant être revu à l’avenir en cas d’évolution des usages ». Autre sujet de préoccupation de la fédération : les distributeurs de télévision connectée. Craignant « une évaporation de l’assiette avec la montée en puissance potentielle des offres de télévision connectée », la FFT veut que ces acteurs comme Apple TV ou Google TV soient « assujettis de la même manière » que les autres distributeurs.

 

Contacté, le directeur général de la FFT, Yves Le Mouël, s’est défendu de vouloir remettre en cause la participation des acteurs des télécoms : « Nous sommes des contributeurs au financement de la culture, et on n’a pas du tout l’intention de ne plus l’être. On a des partenariats avec la musique, le cinéma, etc. Tout ça est tout à fait normal ». Mais l’intéressé a bien insisté : « Ce que nous souhaitons, c’est que cette taxe soit juste et équitable, dans son assiette, dans son mécanisme, et qu’elle ne soit en aucun cas discriminatoire (...). Ce que nous demandons, c’est que dans nos offres, il n’y ait que les offres de télévision qui soient taxées, que ce soit sur le fixe ou le mobile, et non pas toutes les offres qui donnent accès à Internet et à des programmes de vidéos ou de télévision via Internet ».

La FFT opposée à tout contournement fiscal

Yves Le Mouël s’est également dit « plutôt favorable » au prélèvement forfaitaire proposé par Fleur Pellerin. Même si le projet de la ministre déléguée à l’Économie numérique n’a pas encore été révélé, certains évoquent une possible taxe forfaitaire de 70 centimes d’euros par abonnement, quel que soit le montant de l’offre de télévision. Un mécanisme qui rendrait caduque la séparation opérée par Free. « Ce forfait nous paraît plutôt une bonne chose parce que ça permet sans doute d’éviter les contournements », indique le directeur général de la FFT.

 

L’intéressé s’explique : « À la fédération, on est très attachés à ce qu’il n’y ait pas de mécanisme de contournement possible. Ce n’est pas la peine de mettre en place un dispositif qui incite à faire du marketing fiscal. Si jamais on continue sur la voie dans laquelle on est aujourd’hui, les opérateurs vont effectivement être amenés à faire bêtement du marketing fiscal pour optimiser le poids de la fiscalité qu’ils doivent supporter ».

Filippetti prend ses distances avec la proposition de Fleur Pellerin

filippettiAuditionnée mercredi par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture a affirmé qu'elle s’efforçait de trouver « une solution pour sécuriser le financement du cinéma ». « Pour sécuriser cette taxe, a fait valoir Aurélie Filippetti, Bruxelles considère qu’on n’a pas à taxer les FAI parce que ce sont des FAI. Donc, il faut qu’on prouve qu’il y a un lien entre ce qui est diffusé et le diffuseur. C’est là-dessus qu’on travaille ».

 

La locataire de la Rue de Valois a également pris ses distances avec la proposition de Fleur Pellerin : « La ministre déléguée à l’Économie numérique a fait la proposition d’une taxe forfaitaire, par abonnement. Le travail est en cours. Je considère qu’il faut garder une assiette avec un taux proportionnel, et donc un vrai lien entre le chiffre d’affaires qui est réalisé par les FAI et le produit de la taxe ». 

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !