La semaine dernière, Mireille Imbert-Quaretta a signalé lors de la conférence de presse de la Commission de protection des droits l’existence d’une jolie contradiction dans la loi Hadopi. Renseignement pris, ce bug se niche dans l’article L 336-3 du Code de la propriété intellectuelle. Une disposition clef de la riposte graduée. Explications.
L’article L 336-3 du Code de la propriété intellectuelle est une des pierres angulaires des lois Hadopi 1 et 2. Il prévoit que pèse sur les épaules du titulaire d’un abonnement Internet une obligation de sécurisation un peu particulière. Bien connue, cette obligation l’oblige à veiller à ce que son accès « ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public » de contenus protégés par le droit d’auteur.
La contradiction arrive alors : le même article indique que « le manquement de la personne titulaire de l'accès à [cette] obligation (…) n'a pas pour effet d'engager la responsabilité pénale de l'intéressé, sous réserve des articles L. 335-7 et L. 335-7-1 ». Cette dernière référence prévoit spécialement une contravention de 1 500 euros pour l’abonné coupable de négligence caractérisée : il a reçu des avertissements de la part de la Hadopi, qu’il a persisté à ignorer sans sécuriser son accès.
Un bug né du rafistolage de la loi après censure du Conseil constitutionnel
Mais si on résume, l’article L 336-3 dit finalement que l’abonné n’est pas responsable pénalement mais… est responsable pénalement. Pour Mireille Imbert-Quaretta, l’origine de ce bug tient aux conditions difficiles dans laquelle cette fameuse loi Hadopi a été votée. « Une partie de l'article a été censuré par le Conseil constitutionnel en juin et l'urgence d'Hadopi 2 a modifié l'article sans bien vérifier le texte consolidé : ce qui donne un article qu'il faut interpréter pour appliquer la loi. ». Et pour cause, voilà le texte adopté par le Parlement, avec en rouge ce qui sera censuré et donc purgé de l’article initial :
Dans la première loi, c'est la Hadopi, autorité administrative, qui pouvait prononcer une sanction de suspension. Après la claque assénée par le Conseil constitutionnel, le ministère de la Culture avait rapidement colmaté cette disposition. Avec Hadopi 2, désormais, c'est un tribunal qui prononce une peine pénale de 1500 euros. La Rue de Valois avait donc rajouté en mode TGV un petit bout à la phrase finale à cet article, purgé de ses dispositions non constitutionnelles.
Et voilà comment le Parlement a été amené à voter un texte qui dit finalement tout et son contraire.