Alors que la concurrence jugée déloyale de certains sites de mise en relation de particuliers exaspère des professionnels de l’hôtellerie, le gouvernement vient de déposer un amendement afin de pouvoir légiférer par voie d’ordonnance sur les « modalités de location d’hébergements touristiques par des exploitants non professionnels ». Si l’on ne sait pas encore ce que prévoira ce texte, il y a fort à parier que l’exécutif veuille encadrer davantage les pratiques de plateformes telles qu’Airbnb.
À partir de cet après-midi, l’Assemblée nationale examinera en séance publique le projet de loi « relatif à la simplification de la vie des entreprises ». Alors que le texte a été présenté il y a moins d’un mois devant le Parlement, le gouvernement a d’ores et déjà prévu plusieurs amendements. Parmi ceux-ci, l’un est de taille, puisqu’il vise à habiliter l’exécutif à légiférer par voie d’ordonnance sur différents points concernant le tourisme.
Le tourisme ? Suite aux Assises du tourisme, qui se sont achevées le 19 juin dernier, le gouvernement veut en effet pouvoir prendre des mesures concernant en particulier « l’amélioration du cadre réglementaire précisant les modalités de location d’hébergements touristiques par des exploitants non professionnels », et ce « afin d’éviter le développement d’une concurrence déloyale ». Derrière cette dénomination assez large, peuvent potentiellement être concernés différents services de mise en relation entre particuliers, à l’image d’Airbnb. Depuis 2008, la célèbre plateforme américaine permet à des internautes de louer une chambre chez un hôte non professionnel, Airbnb servant également d’intermédiaire pour la transaction.
Sauf que dans son exposé des motifs, le gouvernement ne dit absolument pas pourquoi il souhaite faire évoluer la réglementation applicable à ce type de locations, et encore moins comment va se concrétiser cette « amélioration »... Pour rappel, l’article 38 de la Constitution permet à l'exécutif de demander aux parlementaires de bien vouloir lui laisser les mains libres pour choisir ce qui sera finalement inscrit dans la loi. Une première loi doit cependant l'habiliter à procéder ainsi pour des mesures précisément déterminées, avant qu’une seconde loi ratifie la fameuse ordonnance, une fois celle-ci publiée.
Un récent rapport parlementaire plaidait pour une extension de la taxe de séjour
Hasard du calendrier ? Un rapport parlementaire consacré à « la fiscalité des hébergements touristiques » a été présenté le 9 juillet dernier par trois députés - deux élus de l’UMP et une de la majorité. Le développement des sites d’intermédiation pour la location d’hébergements de tourisme y est très largement étudié : « Si le marché s’est donc d’abord structuré autour du concept d’échange proposé via des plateformes elles-mêmes gratuites ou payantes, la mise en location de courte durée connaît aujourd’hui un véritable essor et s’apparente désormais à une véritable activité marchande, retiennent les parlementaires. Plusieurs acteurs tels qu’Airbnb, Housetrip, Homelidays, l’allemand Wimdu ou bien encore les Français Bedycasa, Sejourning et Abritel sont implantés sur le marché français. »
Reconnaissant qu’il leur a été très compliqué d’obtenir des chiffres concernant l’activité de ces différents sites, les parlementaires concluent « qu’il est difficile d’estimer, faute de recul et de données chiffrées, l’ampleur de l’activité exercée par les plateformes de mise en location d’hébergements entre particuliers ». Cela ne les a cependant pas empêchés de s'inquiéter des différents risques présentés par ces nouvelles offres, tant pour le secteur de l’hôtellerie qui se trouve concurrencé, que pour l’offre locative en général ou bien encore sur le plan de la distorsion fiscale entre professionnels et particuliers...
Face à cela, ce rapport parlementaire en appelle à ce que « tous les sites qui opèrent une transaction à titre onéreux entre un loueur et un occupant de courte durée [soient] tenus de collecter une taxe sur le séjour, au même titre que les autres professionnels de l’hébergement ». Autrement dit, un intermédiaire tel qu’Airbnb devrait lui aussi faire payer une taxe de séjour pour les locations françaises. Les trois députés assurent qu’il « ne s’agit aucunement de créer une nouvelle taxe qui serait spécifique aux opérateurs Internet mais bien, dans un souci d’égalité de traitement, de concevoir un dispositif qui soit adapté aux nouvelles donnes du marché de la location touristique, pour que ces locations touristiques de courte durée n’échappent pas à la taxe de séjour ». En somme, de mettre tout le monde à la même enseigne.