« Tous photographes ! » C’est par cette interjection que le ministère de la Culture a annoncé voilà quelques jours la signature d’une charte avec l’ensemble des musées et monuments nationaux. L’enjeu ? Faciliter et encadrer la prise de photos dans ces endroits et leur partage sur les réseaux sociaux.

En février 2012, une lettre ouverte collective demandait au ministre de la Culture d’alors, Frédéric Mitterrand, d’établir des règles pour harmoniser les pratiques photographiques dans les musées. Serge Chaumier (muséologue, professeur des universités), Julien Dorra (OrsayCommons, co-organisateur de Museomix), Bernard Hasquenoph (Louvre pour tous, OrsayCommons), Rémi Mathis (président de Wikimedia France) et Jean-Michel Raingeard, (président de la Fédération Française des Sociétés d’Amis de Musées) invitaient le ministère à lancer un round de réunion avec les musées et le secteur associatif notamment.
Face à l'incompréhension de l'interdiction de la photo dans les musées
La direction générale des patrimoines a donc pris le relais et chapeauté l’élaboration d’une charte avec les acteurs culturels afin de poser « les principales règles du savoir visiter et du partage de la culture à l'heure du numérique ». Aurélie Filippetti a donc annoncé voilà quelques jours la finalisation de ce document : « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments est devenue un phénomène courant qui trouve souvent son prolongement sur les réseaux sociaux. »
Selon la ministre en effet « avec l'émergence du numérique et des nouveaux outils d'information et de communication, l'interdiction de la photographie génère souvent des sentiments d'incompréhension et de frustration. Cependant, cette pratique peut également susciter de multiples conflits avec les équipes d'accueil et de surveillance, voire entre visiteurs - la cohabitation entre « visiteurs-photographes » et ceux qui ne le sont pas s'avère en effet parfois problématique. » Sur les pratiques de certains musées, on pourra voir justement cet article traitant du No Photo au Musée d'Orsay.
Les autres administrations invitées à s'en inspirer
Bref, cette charte intitulée « Tous photographes ! » sera appliquée dans les musées et monuments nationaux « et pourra inspirer les autres établissements culturels » espère la ministre. Elle s’articule en 5 articles :
Article 1 : Dès son arrivée, le visiteur désactive son flash et fait en sorte de ne pas gêner les autres visiteurs lorsqu’il photographie ou filme. Des pictogrammes compréhensibles de tous les publics sont installés tout au long du parcours favorisant un confort de visite partagé.
Article 2 : Lorsqu’il photographie ou filme, le visiteur veille à ne pas porter atteinte à l’intégrité des œuvres. Le règlement de visite est affiché et les articles concernant la photographie sont disponibles sur simple demande ou téléchargeables. Le visiteur peut partager et diffuser ses photos et ses vidéos, spécialement sur Internet et les réseaux sociaux, dans le cadre de la législation en vigueur.
Article 3 : L’établissement met à disposition gratuitement sur son site internet des reproductions numériques de ses collections avec mention claire des conditions d’utilisation conformément à la doctrine du ministère de la Culture et de la Communication en faveur de l’ouverture et du partage des données publiques culturelles. Le visiteur évite de prendre une photographie d’un membre du personnel de l’établissement en tant que sujet principal identifiable sans son autorisation formelle.
Article 4 : Une véritable information sur le respect du droit d’auteur et de la vie privée des personnes est disponible sur simple demande ou téléchargeable. Pour une prise de vue nécessitant un matériel supplémentaire, le visiteur doit faire une demande d’autorisation spécifique.
Article 5 : Des activités artistiques et culturelles autour de la pratique photographique sont organisées pour tous les publics.
Pas le droit d'empêcher la prise de photo du domaine public
Cette charte est moins restrictive que sa version antérieure où le ministre de la Culture n’autorisait les prises de vue que pour « un usage strictement privé ainsi que leurs reproductions ».
Une restriction qui avait fait sursauter le blogueur Lionel Maurel (@Calimaq) : « ce point est compréhensible en ce qui concerne les photographies d’œuvres toujours protégées par le droit d’auteur. En vertu de l’exception de copie privée, consacrée par le Code de Propriété Intellectuelle, un visiteur peut toujours réaliser une photo d’une œuvre, même si elle protégée par un droit d’auteur, à condition qu’il fasse la photo avec son propre matériel et qu’il réserve le cliché à son usage personnel. L’accès aux œuvres exposées dans un musée constitue bien "une source licite" au sens du CPI. Mais cette même recommandation devient hautement problématique en ce qui concerne les œuvres appartenant au domaine public. Rien ne s’oppose à ce qu’un visiteur non seulement prenne en photo une œuvre du domaine public, mais aussi la rediffuse publiquement y compris sur Internet, ou en fasse un usage collectif (pédagogique par exemple), ou même commercial ».
Celui-ci aurait alors préféré que le document dise noir sur blanc que « les établissements n’ont en réalité PAS LE DROIT d’empêcher les visiteurs ni de prendre en photo des œuvres du domaine public, ni de partager ensuite les clichés… ».